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MAINE DE BIRAN 141 et que ce sont des métamorphoses arbitraires qu'il impose à son principe. Car, voyez tout ce que l'effort va contenir de notions distinctes : il devient moi, cause, volonté, force, substance, unité, liberté ; toutes ces choses à la fois, par cela seul qu'il est effort, et parce qu'il plaît au philosophe de traduire ainsi l'idée ou les idées que l'effort renferme. Tout logicien attentif reconnaîtra que la génération des grandes notions métaphysiques n'est par là nulle- ment justifiée. En y regardant d'un peu près, on voit que Maine de Biran est obligé de faire intervenir des facultés d'abstraction, de réflexion, d'aperception interne du moi, de combinaison, de généralisation, etc., qui tombent on ne sait d'où et sont des hôtes gratuits et inconséquents dans son système. Le vice n'est pas moindre quand il s'agit d'explorer l'origine des impressions morales ou esthétiques, ou de tracer la théorie générale des sentiments. Malgré une foule de vues de détail r e - marquables par leur finesse ou leur profondeur, on rencontre ici la partie la plus défectueuse et la plus dénuée de valeur de l'œuvre philosophique de Maine de Biran. Je ne sais rien de plus embar- rassé, de plus enchevêtré que son explication du sentiment du bon et du beau. Il faut prendre des relais successifs dans ses quatre systèmes pour arriver jusqu'au bout. Le voyage est de longue haleine. Vous entrez d'abord dans le système affectif où, sur la pure gamme de l'organisme, se notent les instincts et sonnent sourdement les modes généraux du plaisir et de la douleur. Vous passez de là dans le système sensitif où se prononcent les émo- tions de l'amour et de la haine. Ceci vous mène au système per- ceptif où un sentiment particulier d'attrait ou d'aversion devient le type des deux genres, des deux classes répondant aux idées de vertu et de vice. Et ce n'est pas tout. Vous ne parvenez à destination que dans le système réilexif où les sentiments, rejetant pour ainsi dire la scorie des gangues antérieures, se débarrassant de tout mélange hétérogène avec les émotions, se posent à l'état pur, ne dépendent plus que d'un rapport idéal et s'attachent au beau intellectuel et au beau moral pris dans leur essence immaculée. Encore dans cet énoncé négligé-je une complication de plus qui ne laisse pas que d'ajouter à la difficulté d'intelligence et à l'étran- geté de l'explication. Maine de Biran intercale un jugement de