page suivante »
84 LA REVUE LYONNAISE de Meaux en 845, et plus les années s'écoulèrent, plus leur inca- pacité se développa. Il semble que l'exécration populaire qui les poursuivait dans tous les pays, chrétiens ou non, grandissait à mesure que l'on s'éloignait de la faute nationale qui imprimait un stigmate de honte au front de tous les descendants des pharisiens ; nul n'avait perdu la mémoire de leur grande et irréparable trahison. A Toulouse, au onzième siècle, chaque vendredi-saint, ils étaient obligés d'envoyer l'un d'eux à la porte de la cathédrale pour y re- cevoir publiquement un soufflet. A Béziers, on les poursuivait à coups de pierres, du dimanche des Rameaux au jour de Pâques, et cet usage étrange dura plusieurs siècles : lapiclalionis bellum, dit l'évêque qui l'abolit en 1160, quod jure vel injuria solebant christiani. . facere. Quand la féodalité se constitue, elle ne les classe dans aucun caste sociale, elle les exclut de toutes, si ce n'est de celle des serfs, elle ne les élève pas même au rang de simples roturiers. Jusqu'alors ils jouissaient d'une certaine tolérance, sinon d'une certaine liberté. Les seigneurs les considèrent désormais comme des épaves ; ils s'efforcent, vers la fin du douzième siècle, de les rendre palrimo - niaux. Le juif ne fut plus libre de transférer son domicile hors de la baronnie dans laquelle il s'était fixé; sa personne et ses biens furent assujettis au droit de suite J . « Pr estant ou non », il demeurait la chose du seigneur, qui ne se fit pas faute de l'écorcher. Non seulement il lui fut défendu de quitter la terre seigneuriale sur laquelle cet éternel vagabond avait passagèrement planté sa tente 1 Eu 1197, le duc de Bourgogne fait donation à un particulier d'un juif et de sa famille, comme il aurait donné un serf ou une tète de bétail. (Pérard, Recueil pour servir à Vhistoire de Bourgogne, p. 338.) L'année précédente, il avait abandonné tous les israélites qu'il possédait à Dijon à la commune de cette ville, en échange d'un village voisin. Cet abandon était considérable, car les juifs ne pouvaient exercer une industrie quelconque sans payer au duc une redevance très forte, que perçut dé- sormais la commune, autorisée eu outre à adirer et à recevoir chez elle des individus delà même religion. En 1232, le duc Hugues IV les céda de même à cette ville, mais sans renoncer à exercer sur eux son droit de patronage et à la condition qu'ils parti- ciperaient aux franchises communales. (Garnier, Chartes de commune et d'affran- chissement du duc/ié de Bourgogne, t, I, p. 27, 43.) En général pourtant, sauf dans le cas de stipulations contraires, les juifs n'étaient point admis à jouir des pri- vilèges accordés aux habitants d'une cité ou d'un bourg. On les exceplail même d'ordinaire, par une clause formelle, des chartes d'affranchissement. (V. celle de fceurre, eu 1248; Garnier, t. II, p. 203.)