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          NOUVEAUX SOUVENIRS DE PONDICHÉRY"                        41
mon séjour dans l'Inde, à ne rencontrer les tigres qu'à l'état de
descentes de lit, et j'y ai réussi. Quant aux serpents, si j'en ai mis
à mort quelques-uns, croyez bien que je ne les cherchais pas. La
seule partie de chasse que je puisse citer avait été organisée de
longue date par mon ami Alfred G..., un magistrat Nemrod, dont
les Allemands ont plus d'une fois éprouvé l'adresse pendant la
guerre néfaste. Partis de Pondichéry, à la nuit tombante, dans
une voiture à bœufs, nous arrivons deux heures avant le jour à
Tirvicaret, en plein territoire anglais. Une vieille pagode aban-
donnée, perdue sous les rameaux de deux figuiers centenaires, nous
offre sa varangue et son toit; nous nous y installons, séparés par
une cloison de palmier d'une vaste pièce qui semble être l'hôtel
des invalides d'un tas de divinités en réforme. Ici s'allonge une
tête de cheval veuve de ses deux oreilles; là pointe un nombril de
Vichnou d'où la fleur de lotus est tombée ; plus loin, une Trinité
qui a conservé le luxe de six bras, appuie au mur la pénurie de sa
jambe unique. Allongé sur un matelas de varech, mon compagnon
s'endort. La dureté de la couche, la nouveauté des lieux et je ne
sais quel instinct de conservation ne me permettent pas d'en faire
autant. Ces monstres apocalyptiques qui sont là derrière la cloison
mince, bizarrement caressés par un rayon de lune, ne me disent
rien qui vaille. Tout à coup, un sifflement m'arrive, très doux,
presque mélodieux, en même tempsqu'unbruit de feuilles froissées.
Je me dresse et j'aperçois, glissant, la tête haute, au milieu des
ruines sacrées, un superbe serpent. Un autre de même taillevientà
sa rencontre, c'est deux fois plus qu'il n'en faut pour me faire
réveiller le dormeur et me réfugier avec lui jusqu'à l'aurore, sous
le dôme des figuiers. Les nuits de l'Inde ne sont pas comme les
nôtres, lentes à mourir, leurs ombres ne se fondent pas peu à peu
dans les brumes opalines et les demi-teintes adoucies d'un long
crépuscule ; le soleil ne se lève pas là-bas avec les précautions
bourgeoises qu'il prend chez nous; brusquement, du bout de
l'horizon il jaillit, comme une gerbe de flamme d'un cratère, salué
par le chœur de la vie universelle et ses premières caresses sont
déjà des morsures. C'est dire que les chasseurs n'ont pas de temps
à perdre. Nous partons, et sous la direction d'un vieil Indien nommé
Naïni, une quinzaine de rabatteurs frappent à grands coups de