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42                 LA R E V U E   LYONNAISE
gaule les cactus et les aloës. Les petits lièvres couleur gris de
souris, les cailles, les perdrix grises à pattes rouges, les faisans
mordorés, les paons blancs et bien des volatiles inconnus tom-
bent à l'envi sous le plomb d'Alfred. Moi je ne vois rien ou presque
rien; il paraît que je n'ai pas pris le bon côté. Mais voilà qu'une
main s'abat sur mon épaule et que la voix de Naïni murmure:
« Pambou doré, pambou ! » (Un serpent, Monsieur, un serpent!)
En effet, l'ennemi est là, à dix mètres, logé dans un entrelacement
de lianes. Je lui envoie un coup de mon Lefaucheux, et les Indiens
m'apportent son cadavre long d'un mètre et demi, aux reflets
irisés, une grosse paire de lunettes sous les yeux. C'est bien la
terrible capelle pour la morsure de laquelle, comme disent les Es-
pagnols, «no hay remeclio en la botioa. » Une demi-heure après,
mise à mort d'une deuxième capelle avec les mêmes reflets, quel-
ques centimètres de plus et de plus grosses lunettes, même absence
de gibier. J'ai décidément pris le mauvais côté. Le soleil me trans-
perce, ma cervelle bout, je retourne à l'abri des figuiers, mon
 compagnon ne tarde pas à m'y rejoindre avec un monceau de vic-
times. Nous choisissons parmi les plus appétissantes et, après une
cuisson pourtant bien surveillée, nos molaires livrent bataille à
 des chairs filandreuses et fades comme un lot de vieilles mèches
 de lampes.
    0 vous qui, sur les verts coteaux de Bourgogne, par un doux
soleil de septembre, sans souci des serpents, tuez des perdreaux
gras à l'arrêt de votre chien, vous dont la bouche sensuele s'inonde
 de délices en savourant ces perdreaux cuits à point, arrosés d'un
 vieux Mâcon, ne demandez, ne rêvez plus rien, vous avez le ciel
 sur terre.

                                          JOSEPH MAIRE.