Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
page suivante »
466                  MON AMI GABRIEL

 de leur journée, ils s'arment du bâton du touriste et
 vont gagner sur les hauteurs cet appétit féroce qui
 est un si puissant auxiliaire du traitement.
   Gabriel s'éveilla vers quatre heures. De sa fenêtre
 qui donnait sur la cour intérieure, il aperçut dans le
demi-jour le paletot havane de M. Delprat qui atten-
dait consciencieusement son tour de verre d'eau. Il
descendit à la hâte pour lui serrer la main, et, sans
s'arrêter parmi [les buveurs auxquels une grande jeune
fille sur un escabeau, distribuait l'eau de la source
avec une majesté antique, le substitut courut donner
des ordres et faire préparer l'équipage.
   A son retour, tout le monde était réuni et Ton partit
sans retard. Nelly était pleine d'entrain ; la brise fraî-
che colorait ses joues d'une légère teinte rose ; ses
yeux, qui la veille semblaient enfiévrés, avaient repris
dans le repos de la nuit des nuances veloutées et une
expression de sérénité qui lui allaient à ravir. Jamais
Gabriel ne l'avait vue d'aussi près, jamais non plus il
ne l'avait trouvée aussi belle.
   La petite caravane était déjà sur la hauteur, lorsque
l'orient se colorait de ses premiers feux. Les montagnes
se dessinaient sous la transparence des brouillards, qui
flottaient à leurs flancs et remontaient pour se dissiper
en vapeurs légères. La ville était encore enveloppée
dans l'ombre au pied des rochers et quelques bruits
confus s'élevaient à peine jusqu'aux premières rampes.
   — Quelle admirable journée ! s'écria Nelly, comme
le ciel est pur l pas le moindre flocon de nuage !
   On cheminait par des sentiers rocailleux entre deux
haies de troènes et de buis humides de rosée, qui ré-
pandaient dans l'air un acre parfum. De temps en
temps, un ruisseau qu'on entendait murmurer de loin