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MON AMI GABRIEL 461 tiques et qui portait aux nues son petit Gabriel, comme il l'appelait toujours, le jeune avocat venait d'obtenir la main de mademoiselle de Bénors, issue d'une très-an- cienne famille de Franche-Comté. C'était une charmante brune qui apportait à son mari la plus belle âme et la plus grosse dot qu'il put souhaiter -, mais il était digne d'un tel présent. Lorsque Gabriel vint me serrer la main à la porte du château, il avait le regard rayonnant de bonheur et le sourire triomphant ; ce jour-là , ^pensait-il, Mettait un terme aux luttes et aux difficultés de sa jeunesse et inaugurait une nouvelle existence pleine d'heureux gages, dont il sentait tout le prix, lui, l'homme du devoir. La cérémonie fut courte. Le soleil inondait de ses rayons les blanches murailles du sanctuaire ; les fleurs répandaient de suaves parfums ; l'attidude des assistants, la touchante allocution du vieux curé, tout respirait un air de fête et de sérénité. Il semblait que le mouchoir de la belle-mère tout mouillé de larmes fût le seul élément de tristesse qu'il y eût à déplorer. Les jeunes époux partirent sous ces favorables au- gures. Ils s'éloignèrent au bras l'un de l'autre, encore entourés d'un léger nuage d'encens, l'épouse un peu gênée dans sa robe blanche et un peu embarrassée de l'air imposant de son époux. La voiture les attendait au bord de la pelouse, au milieu de la foule des villageois, qui en entendant claquer le fouet, se dispersèrent en criant derrière le nuage de poussière : « Bon voyage ! Bon voyage aux époux !» Bon voyage ! et ne vous retournez plus vers tout ce que vous laissez sous ces arbres qui fuyent, madame ! Ces vaporeuses rêveries de la chambrette à fleurs bleues,