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436                  MON AMI GABRIEL

mœurs un peu austères, mais bons et affectueux camara-
des, ont suivi noblement la ligne de conduite qu'ils se
sont imposée d'abord et recueillent le prix de leur coura-
ge dans l'estime générale qui s'attache à leur personne
et à leur nom.
    Dans le cercle de mes relations de jeune homme, le
type le plus parfait de la fidélité au devoir se nommait
Gabriel Reynaud.
    Je me souviendrai toujours de l'époque solennelle où,
à peine échappé du collège, j'allai à Dijon pour y faire
mon droit. La vie m'apparaissait sous un nouvel aspect
et je jouissais pleinement de la liberté que j'avais tant
désirée. Mais la joie que j'éprouvais n'était pas bruyante
et excentrique comme celle de la plupart des étudiants ;
l'indépendance me donnait un plus vif sentiment de la
dignité et de la responsabilité personnelles. D'ailleurs,
j'avais encore les oreilles pleines des recommandations
paternelles et j'arrivais armé des meilleures résolutions.
    C'est sous les voûtes de la vieille université de Bour-
gogne que j'aperçus pour la première fois Gabriel Bey-
naud. Je remarquai son teint pâle, son air grave et un
peu triste, et je ne sais quoi de sympathique dans tout
son extérieur. Nous eûmes bien vite fait connaissance et
en peu de jours nous fûmes des amis intimes.
    La mère de mon ami, restée veuve de très-bonne heure,
 s'était consacrée tout entière à l'éducation de son fils
 unique, qui ne s'était séparé d'elle que le jour où la mort
 l'avait ravie à sa tendresse. Gabriel, orphelin à dix-sept
 ans, ressentit une si grande douleur du coup terrible
qui le frappait, que son caractère ardent et enjoué se
modifia , tout-à-coup, Ce malheur grava profondément
 dans son âme les enseignements de son enfance et pro-
 duisit sur son avenir une influence décisive ; la vie lui