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SIMPLE HISTOIRE 361 pour l'excellente créature qu'il avait associée à son sort, il entreprit de relever son toit écroulé, et quoiqu'il n'eût ja- mais été ni maçon, ni charpentier, il y était parvenu après six semaines d'un labeur assidu. Puis, comme il lui man- quait quelques mulets (1) pour finir ses labourages d'oc- tobre, il réunit l'argent nécessaire pour les acheter, et se rendait à la foire de Modane, où il comptait faire cette emplette, lorsqu'il fut attaqué par des voleurs, frappé cruellement et laissé pour mort après avoir été dévalisé. Des passants le relevèrent et le rapportèrent chez lui, où sa femme, déjà avancée dans sa grossesse, tomba presque folle de douleur en le revoyant ainsi. Quand la maladie se prolonge chez les paysans malai- sés, elle ne s'en va plus qu'elle n'ait été remplacée par la misère : c'est ce qui arriva au ménage Chandora. Pierre passa deux mois sans sortir de sa demeure, et, lorsqu'il la quitta, il reconnut, avec un affreux désespoir, que ce ne serait pas de bien longtemps qu'il pourrait travailler, s'il travaillait encore. Ses bras avaient perdu toute vigueur ; une toux incessante, suite des coups qu'il avait reçus, brisait sa poitrine, et la fièvre le minait. Il essaya l'état de vannier, pour gagner sa vie pendant l'hiver; mais il aurait fallu aller au loin chercher de l'ouvrage, et sa fai- blesse l'en empêchait souvent. Sa compagne, qui tenta de le remplacer pour cet objet, dut s'arrêter au bout de peu de jours, les sentiers étant trop difficiles au début de cette rude saison. Il fallait attendre... attendre dans une situation désespérée, ajant devant soi la perspective de la maternité d'une jeune épouse délicate etsans expérience, (1) En Savoie, comme dans la plupart des pays de montagnes, on cmpfpie généralement des muletf pour les labours. •