Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
page suivante »
                         MADELEINE                       31 l

    Mais aussi, entre les rideaux de serge verte de l'alcôve,
 il y avait un Christ en bois, bruni par le temps. Ses mains
 que nul ami maintenant ne presserait plus, Madeleine les
 tendit vers son Dieu, et, tombant à genoux, elle pria
 longtemps.
    Depuis lors, Madeleine Verneuil devint plus pâle et
 plus silencieuse que jamais. Le violent chagrin qui la
 minait, emporta vite les dernièrest races de sa jeunesse et
 de sa beauté ; elle vieillit en quelques semaines. « Tout
 est dit ! t> était une phrase qu'elle avait déjà prononcée ;
 cette fois, elle avait tristement raison : Tout était dit pour
 elle !
    Albert Dupart avait un de ces caractères positifs, qui ue
savent pas commettre de sublimes folies.
    Madeleine lui avait plu comme un gracieux paysage,
perdu au milieu d'une contrée dépourvue de toute végé-
tation . Peu à peu, il s'était habitué à la voir chaque jour,
et, se méprenant sur la nature du sentiment qui le pous-
sait vers elle, il avait cru l'aimer d'un amour véritable.
Toutefois, lorsqu'il eut quitté X . . . , l'éloignement, une
existence nouvelle et de nombreuses occupations ne tar-
dèrent pas à chasser de son cœur l'affection éphémère qu'il
avait éprouvée : ill'oublia!
    Oh! que de choses s'oublient de ia sorte ici-bas! Pour-
quoi le ciel, qui a permis que, pour bien des cœurs, l'amour
s'éteignît par l'habitude de se voir, n'a t-il pas du moins
accordé à ceux qui se séparent le don de se pleurer tou-
jours !
    Un an après ces événements, Mme Verneuil tomba ma-
lade. Son mal n'était pas de ceux pour lesquels il existe
des remèdes: c'était la vie qui s'en allait sans secousses,
sans déchirements. La jeune fille veilla, pria au chevet
de sa mère ; enfin elle reçut son dernier soupir avec sa
 dernière bénédiction.