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300 MADELEINE Fut-ce le manque d'air, d'exercice, ou bien encore l'absence de bonheur qui développa chez Juliette les ger- mes de la maladie qui devait l'enlever? C'est ce qu'il serait difficile de dire. Toujours est-il que Madeleine , seule, s'en inquiétait: la mère ne se doutait de rien, et Juliette, elle, ne savait pas ce que c'est de se plaindre. Quant au père, il commençait alors à entrer dans l'état d'insensibilité qu'il conserva depuis. Lorsque le médecin fut mandé, il était trop tard.... Juliette mourut un mois après. La veille de sa mort, elle appela sa sœur, et la pressant sur son cœur : « Je vais te quitter, — dit-elle. — Aie du courage pour supporter notre séparation, soigne bien notre père et notre mère... Ils sont bons et ils nous aiment, quoiqu'ils ne le montrent pas toujours... : Ménage ta santé pour eux, ne me pleure pas trop, et prie Dieu pour moi ! » On conçoit quel dut être le désespoir de Madeleine, qui se trouvait tout-à -coup privée de celle qui était à la fois son amie, son soutien, en un mot son second elle-même. Mme Verneuil, en apprenant la mort de Juliette, mani- festa sa^douleur en jetant un grand cri, fit quelques pas à tâtons dans la chambre, puis tomba à genoux. Quand elle se releva, sa physionomie avait repris son impassibi- lité habituelle. Vers cette même époque, la famille Verneuil perdit une partie de la petite fortune qui composait son avoir. Madeleine voulut que ses parents ne se ressentissent pas de ce nouveau malheur ; les tromper était chose aisée : l'un ne comprenait rien, l'autre ne voyait pas. Elle se mit donc à travailler avec ardeur, vendit en secret ses brode- ries, procurant delà sorte un peu de bien-être dans leur modeste intérieur.