page suivante »
298 MADELEINE ceinture, et la pauvre maison grise eut, elle aussi, son printemps et son été. Un soir, une pluie d'orage commença à tomber au mo- ment où M. Dupart longeait l'étroite ruelle. Madeleine, qui l'avait aperçu, accourut vers la porte de sa demeure, le pria d'entrer, et, quand ils furent dans le corridor précédant la pièce où elle se tenait habituel- lement, elle saisit les mains de son compagnon, et d'un ton ému : — Merci ! — lui dit-elle. C'était la première foi qu'ils se parlaient. II La chambre où fut introduit Albert Dupart tenait lieu de salon : des carreaux rouges y glaçaient les pieds, des chaises de paille étaient les seuls sièges; une console et une grande armoire en ornaient les extrémités. Tout cela était sombre, froid, humide. Oh! comme Madeleine avait raison de s'asseoir près de la fenêtre, de chercher un peu d'air, un peu de lumiè- re pour vivre ! Sa pâleur ne surprit plus Albert : la mal- heureuse était étiolée comme les plantes qui ont poussé à l'ombre. Dans un angle retiré de la pièce, il y avait deux vieil- lards que le jeune homme ne remarqua pas tout d'abord : le père et la mère sans doute. Cette dernière tricotait, bien qu'elle fût aveugle. Quant au bonhomme, à son regard fixe et terne, onjugeaitpromp- tement qu'il était tombé en enfance. Une femme aveugle, un vieillaïd imbécile et une pau- vre fille flétrie avant le temps, c'était ce que cachait la petite maison grise, avec son isolement et son obscurité...