Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
page suivante »
284                  MADAME D'ORGEVAL

qui sont bien aises d'être de suite connus, d'être prompte-
ment sollicités par les éditeurs, d'être glorifiés de leur
vivant, et de toucher, grâce à leur plume, de gros béné-
fices qui leur permettent de faire figure dans le monde,
l'Histoire bienvaillante ouvre un chemin facile et plein
de charmes; on dirait que ceux-ci sont les Benjamins de
son cœur. A eux les faveurs les plus précieuses. Pour eux
les recherches fatigantes, les études arides sont moins
utiles. De l'imagination, du style, une manière de voir
qui cadre avec les idées du jour, une théorie à dévelop-
per ou à défendre, une manière dramatique et attachante
de présenter les événements, quelques ornements jetés
sur les formes trop nues et trop accusées de la Vérité et
vous devenez célèbre comme Walter Scott, Lamartine et
Michelet, ou simplement populaire comme Alexandre
Dumas, Hugo, Soulié ; à un rang inférieur, on peut même
écrire des Mémoires, comme la problématique duchesse
d'Abrantès et entasser volumes sur volumes que le bon
public enlève, la plupart des lecteurs aimant d'autant
plus l'Histoire qu'elle est plus ornée, plus parée et plus
couverte de bijoux, de perles et de rubans.
   A Dieu ne plaise que par ces paroles nous voulions
jeter un blâme sur l'histoire arrangée et sur le roman
historique qui s'y rattache ! ce serait tirer sur nos sol-
dats et renier le passé de toute notre vie ; car s'il fut un
rêve chéri de notre jeunesse, ce fut celui de faire pour le
Bugey, la Bresse et la Savoie ce que l'illustre châtelain
d'Abbotsford avait fait pour l'Ecosse, et ce n'était point
présomption de notre part ; car, si le talent n'était pas
le même, le pays dont nous voulions exploiter l'histoire
et les légendes est bien autrement riche que l'Ecosse
en sites admirables, et en héros qu'on peut hardiment
louer.