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232 LE FORT DE SAINTE-FOY Francheville et de Chaponost,mais on sait où sont les mon- tagnes et, par instants, on les voit transparaître derrière les brouillards qui les couvrent. Quelquefois enfin, les nuées n'enveloppent qu'une partie de la chaîne tandis que le reste apparaît découpé d'une façon bizarre par les larges rayons d'un soleil pâle, et on a devant les yeux un pays fantastique qui fait rêver du Hartz et de son légendaire Brocken. Un autre jour encore, vous les trou- verez recouvertes de neige ; cette neige les grandit sans leur faire perdre le caractère tout italien quiles distingue. Mais c'est au commencement de l'automne et le soir que la contrée a son plus grand éclat. Obliquement éclai- rée, la plaine nous découvre toutes ses ondulations et nous entrevoyons les profonds ravins qu'y ont creusés l'Yzeron et ses affluents. Le vert et le brun clair sont les couleursdominantes des premiers plans, mais avec de tel- les dégradations de teintes et si bien fondues qu'on ne peut rien imaginer , de plus harmonieux. Parfois même, quel- que construction neuve fait ressortir cette harmonie en jetant dans le paysage la touche vive de son toit rouge. Quant aux montagnes, elles sont enveloppées de vapeurs bleuâtres qui leur donnent une légèreté toute aérienne et ajoutent, s'il est possible, à la grâce de leurs formes. Mais le soleil, après avoir prodigué au Mont-d'Or et au Beaujolais les tons les plus chauds de sa palette, dis- parait bientôt derrière le massif d'Yzeron. Peu à peu, la campagne se décolore, elle prend les tons gris de la gra- vure à l'aqua-tinta; les montagnes de violettes qu'elles étaient après la chute du jour, deviennent noires, et quelques étoiles commencent à scintiller dans le ciel sombre. C'est la nuit. Il faut songer au retour, et on s'é- loigne en emportant du beau pays qu'on vient d'admirer un ineffaçable souvenir. EDMOND JUMEL.