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430                    LE LA.C DE PAIADRU

    La description était si claire qu'on voyait tout : des
 cloîtres comme à Saint-Trophyme d'Arles, une chapelle
 pleine d'élan et de sentiment comme les moines savaient
les bâtir, des murs épais, immenses, moitié debout, moi-
tié écroulés, une terrasse dominant un lac de six kilomè-
tres de longueur, dont les eaux bleues reflètent des forêts
et des villages ; le vaste escalier du monastère dont les
marches ont vu passer tant de générations de saints et
 de savants ; au haut de l'escalier, une salle capitulaire,
voûtée, boisée, dans l'immensité de laquelle un homme
de goût pouvait se tailler un logis, un refuge, un buen
retiro, délicieux appartement moitié artistique, moitié
ascétique. Quel heureux médecin était ce docteur ! Quelle
villa il avait dû se tailler dans ces cloîtres ! Quelle biblio-
thèque dauphinoise il avait dû réunir sur les tablettes
de chêne échappées à la destruction ! Quel nom sonore et
poétique la Silve-Bénite ! et quels souvenirs ! C'était à
en être jaloux, et pour quelle somme dérisoire ! Six mille
francs ! Son secret connu, c'eût été à les emprunter, à
l'époque, et à courir lui couper l'herbe sous les pieds ;
c'eût été déloyal sans doute, mais cela se joue parfai-
tement.
   Je ne l'avais pas fait, et il devait m'en savoir gré.
   Mais hier, j'étais dans les environs. — E t le docteur?
me suis-je dit. Je vais lui faire la visite qu'il m'a deman-
dée. Voyons, par où passer ?
   Le Guide Joanne dit que Châbons n'est qu'à trois
kilomètres de la Chartreuse : ce n'est rien ; on les fait
en se promenant. Je m'adresse à un naturel du pays qui
me déclare qu'il faut une heure et demie pour s'y rendre
et par des chemins aussi enchevêtrés qu'abominables.
Or, il fait bien chaud. Quant à une voiture, il n'y faut
pas penser ; il n'y en a pas à Châbons.