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CAILHAVA 45 tant,'heurtant les passants qu'il ne voyait pas, déclamant, gesticulant, mais,dans tous les cas, oubliant complètement, cette fois, de regarder derrière les vitres des magasins. Le sonnet parfaitement su, Boitel hâta sa course, mit ses vers dans sa poche et entra dans la rue Clermont, rue étroite, active, bruyante, une des plus passagères du quartier des Terreaux et dont la première maison faisait angle avec la rue Lafont. La rue aujourd'hui a fait place à la rue de l'Hôtel de ville. La maison que Mme Valmore habitait était la seconde et occupait l'emplacement où est Clôt, le marchand de musique allemand; Boitel ému gravit rapidement trois étages et sonna. * Un grand Monsieur à figure ouverte et sympathique ouvrit. Boitel fut surpris en se trouvant vis-à -vis de ce colosse, il balbutia : — C'est le looch pour Madame. — Marceline, dit avec intérêt M. Valmore, c'est ton looch. Boitel entra dans une chambre faiblement éclairée et aperçut une jeune femme à demi couchée sur une cau- seuse ; deux enfants jouaient à ses pieds. La jeune dame se souleva. — Ah ! mon looch, Monsieur, merci. — Oui, Madame, à prendre promptement, le voici, avecun sonnet, c'est à dire, oui, c'est un sonnet que je viens d'écrire à l'instant ; d'improviser, pour célébrer la grande artiste que Lyon possède, la femme poète dont les vers ravissants... Il s'arrêta, la sueur perlait sur son front. M. et Mme Valmore regardèrent avec étonnement cet inconnu, aux gestes saccadés, qui leur parut avoir le cer- veau légèrement détraqué. L'embarras de Boitel augmenta ; ce sonnet qu'il voulait