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                  MADEMOISELLE DE MAGLAND.                       229

conduite une terrasse.au pied de laquelle la mer se brise avec fracas;
à l'une de ses extrémités, un pavillon entouré d'une galerie ou-
verte s'avance sur une pointe de rocher et surplombe la mer d'uDe
manière effrayante. C'est la retraite de prédilection de Marie; des
livres, des instruments de musique, des tableaux ébauchés sont là
dans ce désordre qui annonce la présence habituelle; de la terrasse,
un étroit sentier taillé dans le roc descend à une petite baie, où do
jolies embarcations sont amarrées.
    Il y avait déjà quelques jours que j'étais à Malvignane, et je n'a-
vais pu trouver un moment favorable pour entretenir Marie sans
témoin. Je lenais surtout à la prévenir de l'arrivée prochaine do
Raoul et de sa femme, afin de la prémunir contre l'effet d'une ren-
contre probable. Un soir, pourtant, je la vis s'acheminer seule vers
le pavillon de la terrasse, et peu après je la suivis ; elle était de-
bout sur la porte ; les fines guirlandes d'un cassier qui serpentait
sur la façade, retombant autour d'elle, semblait le cadre dans le •
quel elle se détachait sur le fond sombre de l'appartement. Jamais,
je crois, elle ne m'avait paru si belle ! Chastement drapée dans
une ample robe de mousseline, ses beaux cheveux retombant sur
ses joues pâles, on eut dit un des anges de Flaxmann,un rêve d'ar-
tiste matérialisé un instant! Nous descendîmes au bord de la mer,
et, entraînés par la beauté de la soirée, nous prolongeâmes noire
 promenade au-delà des bornes ordinaires. Les étoiles voilées et lai-
 teuses comme en Afrique, répandaient une clarté que n'ont pas bien
 des jours de nos climats septentrionaux. La limpidité de l'air dans
 cette heureuse contrée donne à tous les objets des contours plus
 arrêtés, et jette les esprits dans une certaine élasticité poétique,
 dont nous n'avions pas tardé à ressentir les effets. Notre causerie
 fut d'abord très animée, et je me réjouissais de voir Marie secouer
 pour un instant le voile de plomb qui l'étreint si durement; un
 silence assez long succéda à la conversation, et ni l'un ni l'autre
  n'osions le rompre. Nous sentions que le moment était venu où le
  nom de Raoul devait s'échapper de nos lèvres au premier mot ;
  tout sentiment vrai a de la pudeur, et quand une sensation est pro-
  fonde, il s'y joint je ne sais quoi de respectueux qui nous empêche
  de la mettre au grand jour : enfin, je me décidai. — Je n'ai pas