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230                MADEMOISELLE DE MAGLAND.

 encore eu l'occasion de vous dire qu'en allant voir vos amis du Pre-
de-Vert, je suis allé aussi visiter le Genêt. — Oh ! ce cher Genêt !
 s'écria t-elle, ses parfums embaument encore mes rêves ! Je ne l'ai
 pas oublié ! Tous les détails d'intérieur, de paysage, se groupent
 dans mon souvenir ; c'est là que j'ai semé toutes les joies de ma
jeunesse ! — Et j'ai vu Raoul, me hâtai-je d'ajouter d'un air dé-
 gagé. — Je sentis son bras trembler sous le mien. — Est-il heu-
 reux, dit-elle à voix basse, après un instant consacré à surmonter
 son émotion. •—11 en a l'air du moins ; il est gai, autant que le lui
 permet la gravité qu'il a revêtue en même temps que Pécharpe mu-
 nicipale ; il jouit d'une santé magnifique qu'il promène insoucieu-
sement dans les sentiers vulgaires de la vie domestique ; il ressem-
 ble peu à ce qu'il était jadis ; c'est maintenant un gros garçon, fort
brûlé du soleil, qui a plutôt l'air d'un maître de forges que d'un
 héros de Byron. Il s'occupe de ses métairies, de ses prairies arti-
ficielles, de l'amélioration des races bovines, et je crois, Dieu me
pardonne, qu'il aspire au prix Monthyon ; —je sentais que je portais
un rude coup à Marie, en dépoétisant ainsi Raoul sans pitié, mais
il fallait Ja préparer à l'épouvantable lumière qui devait se faire
dans son cœur à l'aspect de cet ange déchu. — Et son enfant ! dit-
elle, enfin, d'une voix à peine intelligible? — Sa mère n'a pas
voulu le nourrir, il est mort. — Elle tressaillit. — Sa santé, fort
délabrée depuis lors, à ce qu'elle dit, a décidé Baudéant à venir
passer l'hiver à Hyères; ainsi, habiluez-vous d'avance à l'idée d'une
rencontre probable. — Merci, me dit-elle, •—et pas un mot de plus
ne fut prononcé entre nous ce soir-là. Depuis elle a éloigné avec
soin tout ce qui aurait pu rappeler cette conversation.
   Mme O'Kennely est arrivée sans son mari, que ses devoirs re-
tiennent au Pré-de-Vert. Raoul et sa femme l'ont suivie de près ;
Alix est déjà de toutes les confréries religieuses, et son mari de
toutes les sociétés d'horticulture ; il fait partie d'un cercle où M. de
Malvignane l'a rencontré l'autre soir ; le bon vieillard qui croit
Marie parfaitement consolée ne se gêne pas le moins du monde
pour lui parler de Raoul, auquel, daQS sa petite malice de gentil-
homme, il supprime la particule depuis son mariage. — Ce m'sieu
la Rochemarqué est très parfaitement le serviteur de madame son