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228 MADEMOISELLE DE MAGLAND.
tout en elle annonce cette action lente, opiniâtre et corrosive de îa
douleur qui se résout d'ordinaire par quelque crise violente comme
la mort ou la haine, jamais par l'oubli. Mais hélas ! il y a bien plus
de larmes dans ses yeux que defieldans son cœur! Pâle de cette dou-
leur sans espérance qui est la mort de l'ame, sa physionomie a pris
ce caractère de grandeur que le malheur fait rayonner au front do
ses élus. Que je la trouvais belle ainsi ! Calme et tranquille en appa-
rence, son bon vieil oncle la croit tout à fait consolée ; elle l'accom-
pagne dans le monde, et fait les honneurs de sa maison avec cette
grâce inimitable qui lui gagne tous les cœurs, sans que jamais un
mot, un geste, viennent trahir la contrainte qu'elle s'impose ; c'est
une de ces natures dont le dévouement est en quelque sorte l'es-
sence; dans de certaines circonstances, elles sont susceptibles de
grandes résolutions, et alors elles apportent dans le sacrifice de
leurs plus chers intérêts, dans la résignation la plus absolue, toute
l'énergie, toute l'exaltation même que les autres dépensent dans un
but de possession et d'avenir. Elles déploient alors pour l'accom-
plissement d'un devoir la même ardeur que les hommes pour la
revendication d'un droit; et il faut avouer que c'est peut-être là la
distinction la plus tranchée qui existe entre les deux sexes. Quand
une fois ces femmes là commencent à s'élever, !e sublime devient
leur nature. Comme toutes celles qui n'ont pu trouver dans l'a-
mour satisfait l'emploi de leurs facultés expansives, Marie répand
sur tout ce qui l'entoure le trop plein de tendresse que son cœur,
malgré lui refermé, n'a pu vouer à un seul. Elle met le bonheur des
autres à la place du sien. Pauvre femme! qui borne ses désirs, ses
espérances à une vie toute d'abnégation! Le ciel a-t-il été juste en
lui faisant une part de bonheur si chétive?
M. deMalvignane, dans sa gracieuse hospitalité, m'a installé dans
sa bastide que je n'ai pas encore quittée d'une minute. Tu ne sau-
rais imaginer une retraite plus poétique que celle-là . Ce n'est plus
l'opulence presque princiere du Genêt, mais c'est le bon goût e t
l'élégance personnifiés. Une serre chaude remplie de plantes tropi-
cales prolonge le salon d'hiver ; celui d'été est décoré à l'orientale
avec un dôme à vitraux coloriés ; un jet d'eau au milieu, des divans
tout autour, et des fleurs et des oiseaux partout. Un joli parterre