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MADEMOISELLE DE MAGLAND. 2"2o du grand tableau qu'il a fait pour notro chapelle, venez le voir ; et elle me conduisit devant une immense toile couverte d'une de ces compositions mystiques et symboliques auxquelles se livrent les la- lents avortés de nos jours. Celait fort mauvais ; l'intention dévote avait escamoté le dessin et bu la couleur. Raoul fait, il est vrai, gentiment le paysage, mais n'est pas de force à s'attaquer à de sem- blables sujets. Je ne pus prendre sur moi de louer cette Å“uvre in- forme, et je vis clairement que mon silence désobligeait les deux époux. Nous continuâmes notre promenade. — Raoul, dit Alix, de mande donc à M. de Blossac des nouvelles de ton ancienne passion ; qu'est devenue ma cousine ? Avant de répondre à cette demande effrontée, je jetai les yeux sur Raoul qui ne me parut ni surpris ni blessé de cet inconcevable manque de tact. — Je verrai Mlle de Magland dans peu de jours, car je vais en Provence. —Nous aurons le plaisir de vous y rencontrer, dit-elle, car nous irons passer l'hi- ver à Hyères, et, si je ne me trompe, Malvignane est tout près. Vous y serez bien accueilli, et vous vous y plairez, sans doute, car on dit que le château est le rendez-vous de tous les beaux esprits du canton ; mais je ne veux pas vous répéter les étranges choses qu'on raconte. — Il est fort sage à vous, Madame, répondis-je, de ne pas vous faire l'écho des fables et des calomnies qu'on ne manque jamais de débiter sur les femmes que la fatalité jette en dehors des sentiers tracés ; le monde n'a pas le temps de comprendre les caractères ex- ceptionnels, les situations en dehors de la règle commune, iljugesur des données toutes faites, et le monde ment. Mlle de Magland doit nécessairement être méconnue de tous les esprits vulgaires, qui pressentent sa supériorité sans la comprendre, mais qui en soin blessés — Bravo! s'écria Alix avec un air qui m'irrita au der- nier point, j'oubliais que vous aviez quelques droits de vous faire son champion, car vous étiez fort bien avec elle dans les derniers temps. —Mtle de Magland a pour moi un peu d'amitié dont je suis très fier et dont je serais très heureux si je l'aimais moins, répon- dis-je. Je prononçai ces mots avec une intention qui me semblait, ne pas devoir échapper à Raoul, mais il resta impassible ; j'avais cru jusqu'à présent que dans les cÅ“urs même les plus légers, un sentiment mélangé de jalousie, de vanité et de remords survivait Ã