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222                MADEMOISELLE DE MA GLAND.
rasse je remarquai que l'ancien bâtiment qui contenait la biblio-
ihèque avait subi quelques changements. —Qu'as-tu fait à cet édi-
fice, dis-je à Raoul, je ne le reconnais plus? —Ma fdâme l'a rendu
à sa première destination, c'est maintenant une chapelle où l'on
célèbre les mystères du culte tous les jours, répondit-il, avec un air
de componction tout à fait édifiant. — Et les livres? — On les a mis
là-haut, dans les combles. Je lis peu, maintenant ; je suis fort occu-
pé par la surveillance que nécessite l'exploitation de mes biens,
ensuite je suis maire de la commune ; en cette qualité j'ai entrepris
la pénible tâche des réformes, c'est à n'en plus finir. Ma fâdme,
dans l'intérêt de la morale, a voulu que je défendisse les danses du
dimanche; eh bien! les paysans vont danser dans la commune
voisine; tout cela me donne beaucoup de souci. Cette année, nous
allons faire des Rosières. — Je riais encore de cette bouffonne idée,
quand Alix, inquiète sans doute de notre tête à tête, vint nous re-
joindre. — Parlez-nous un peu de vos voyages, dit-elle, en minau-
dant suspendue au bras de son mari; avez-vous rencontré des bri
 gands ? — Des brigands ! il n'y en a plus, madame, ils se sont réfu-
 giés dans les tableaux d'Horace Vernet, si même il ne les a pas
 inventés. Et, à propos de peinture, qu'as-tu fait depuis moi, dis-jo
 à Raoul. — Pas grand chose, et toi ? — Je rapporte bon nombre d'é-
 tudes ; des vues d'Espagne roussies, culottées par un soleil d'enfer,
 des vues de Flandres, d'Allemagne, d'Angleterre grises et vaporeu-
 ses, quesais-je? Jefiniraitout cela à loisir et j'exposerai mes croûtes
 l'année prochaine. —Je m'apercevais fort bien que ce jargon d'a-
  telier déplaisait fort à Alix et faisait froncer le sourcil à Raoul, mais
 je n'avais cure de leur pruderie. Après un moment de silence, il me
 dit : — Au lieu de tout cela, pourquoi ne ferais-tu pas un paysage
 historique et biblique? — Ah ça ! tu veux rire ? — Non, je t'assure ;
  y a-t-il d'autres genres à traiter au siècle de perdition où nous vi-
  vons? La peinture a une haute mission parmi les hommes ; elle doit
  venir en aide aux lois contre les mauvaises mœurs. — Ces lieux corn-
  muns de Gazettes étaient quelque chose de si amusant dans la bou-
  che de Raoul, surtout avec le ton de capucin dont ils étaient débités,
  que j'eus toutes les peines du monde à ne pas éclater. — Je bénis le
  Seigneur, dit Alix, d'avoir si bien conseillé mon mari pour le sujet