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62 EXPOSITION vent les faux talents et les ouvrages médiocres ; elles devinent les secrets et les ressources de l'étude, et tiennent compte à l'artiste do ses efforts, quand même il n'aurait pas atteint son but ; à ceux- là nous épargnerons seulement la peine de formuler leurs jugements. La masse ne comprend que la pensée qui saisit, le drame qui re- mue, mais le mérite ou la faiblesse de l'exécution lui échappe; c'est celte portion du public que nous desirons mettre en garde contre quelques amateurs frivoles qui ne veulent juger les modernes que par des comparaisons personnelles avec les anciens, et s'obstinent à ne pas rendre justice à Gudin et à Meissonnier, parce que ces messieurs ne sont pas encore Terburg et J. Vernet ; méthode odieuse autant que sotte, car l'art n'y gagne rien, et l'artiste s'en décourage. Pour être utile à tous, il faut juger chaque artiste d'après lui-même et sur son œuvre, à moins que cette œuvre ne prétende elle-même à une comparaison d'identité; si quelqu'un veut refaire la Transfiguration, il faudra bien alors forcément rap- procher les hommes et les choses, mais quand M. Ingres a bien voulu nous donner la Vierge à l'Hostie, on aurait eu bien mauvaise grâce à lui opposer la Vierge à la Chaise. Ceci posé, entrons au salon. Ce qui frappe d'abord, c'est la quantité des petits tableaux, parmi lesquels il est juste de dire qu'il en est de fort remarquables. Nous nous figurons, par exemple, un homme qui, sans être prévenu par de banales formules d'admiration, serait assez heureux pour découvrir tout seul au milieu de ce chaos de toiles, un tout petit tableau signé Guillemin ; il ne se lasserait pas d'admirer le carac- tère vrai, l'expression, le naturel sans trivialité, la touche fer- me et délicate, le coloris vigoureux et franc de ce petit chef- d'œuvre. Enfin! s'écrierait-t-il, voilà un digne émule de Metzu et de Terburg ; et pourtant M. Guillemin n'a voulu imiter ni Metzu ni Terburg , il n'est ni flamand ni hollandais, il a un plus grand mérile à nos yeux, il est lui ; dessinateur habile et consciencieux, possédant toutes les ressources magiques du clair-obscur et du co- loris, d'un esprit aussi fin qu'ingénieux, M. Guillemin possède tout ce qui constitue un bon peintre de genre : aussi s'est-il placé tout d'un coup, dans la mesure de ses"a facultés, sur la même ligne que Roqueplan, Decamp et Meissonnier. On est ému, attendri devant