Revue du Lyonnais » série 1 - n°6 ( 1837 ) » pp.438

                                 438
d'ailleurs par quels liens retiendrai-je ce Protée qui change
si souvent de visage (1) ? Si je lui accorde ce qu'il demande,
et qu'il manque ensuite à sa parole, car telle est ma convic-
tion, qui me sera garant de sa foi? qui l'obligera à tenir ses
promesses?—Nous pouvons faire garantir le traité, répondit
l'ambassadeur, par les rois de France et d'Angleterre. —
Nous n'y consentirons jamais, répliqua le pape, parce que
si je faisais un traité avec lui, et qu'il le violât ensuite, comme
il l'a déjà fait, il faudrait nous en prendre aussi aux garants
de sa parole, et l'Eglise aurait alors trois ennemis, au lieu
d'un, et les trois plus puissants princes de la chrétienté (2). «
Comme les pouvoirs de l'ambassadeur ne s'étendaient pas
au-delà des promesses qu'il avait faites , il se tut tristement,
et l'assemblée se sépara (S).
   La première session du concile eut lieu, deux jours après,
dans l'église métropolitaine de Saint-Jean ; Innocent IV était
placé au fond du chœur, sur un trône fort élevé ; à sa droite,
était assis Baudoin I I , empereur de Conslanlinople, qui ve-
nait implorer le secours de l'Eglise pour venir en aide à. l'em-
pire latin et reconquérir la Palestine; Raymond, comte de
 Toulouse, Raymond Bérenger, comte de Provence (4), et

  (1) Quo teneam nodo mutantem protea vultus ?
                                               MATHIEU PARIS.
  (2) Et lune haberet ecclesia très, quibus non sunt in sœculari potentia
majores, imo nec pares ïnimicos.
                                               MATHIEU PARIS.
  (3) Cum procuratio thadei ad hoc non sufficeret, siluit contristatus.
                                                MATHIEU PARIS.
    (4) Le comte de Toulouse et le comte de Provence étaient venus au cou-
cile pour demander au pape des dispenses pour cause de parenté, relative-
ment au mariage projeté du comte de Toulouse avec Béatrix, fille du comte
de Provence ; le pape promit son consentement ; mais le comte de Provence
étant mort la même année , de puissantes intrigues vinrent rompre ce ma-
riage. La reine de France, sœur de Béatrix, le comte de Savoie , son oncle,
et les barons de Provence entreprirent de la marier à Charles , frère