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conserve dans sa mémoire les rêves, expression de ses
désirs, qu'elle prend pour des révélations du destin.
11 en fut ainsi pour la mère de Pic de la Mirandole,
car elle donna le jour à un enfant remarquable et pré-
coce, à un phénomène. Phénomène ! retenez bien ce mot,
car il explique toute uue vie ; c'est la parole gravée sur
le sceau mystérieux dont est marqué son front. Au phy-
sique et au moral, être phénomène,, c'est rester engourdi
en deçà du type commun, ou le dépasser par un dévelop-
pement rapide; car on est en dehors de l'humanité, que
l'on soit au-dessus ou au-dessous d'elle. Un phénomène,
c'est une exception, un être unique, triste, isolé dans la
foule et flétri par son admiration béante.
Ce nom, Pic de la Mirandole le mérita chaque jour
davantage, car sa précocité, cultivée dès l'enfance par
les maîtres les plus célèbres, devint vraiment étonnante.
Des études prématurées comme son intelligence rempli-
rent ce temps que l'enfant ordinaire dépense à jouer et
s'ébattre, n'ayant aucun souci de but et d'avenir. Ses sens
nouveaux-nés ne demandent qu'à essayer la vie, qu'à ap-
prendre le monde; il est heureux de vivre, parce que la
vie est pour lui chose nouvelle; voyageur arrivé de la
veille, il n'est pas encore ennuyé de la contrée qu'il
aborde, il n'en connaît pas les habitants, et peut-être
est-ce pour cela qu'il leur sourit ? Il n'est pas blasé sur
l'éclat du soleil, l'azur du ciel ou le parfum des fleurs, et
il en a pour long-temps avant de connaître toutes les
richesses de son nouveau séjour. Cependant, au milieu
de cette vague et insouciante curiosité, l'enfant apprend
et s'instruit, mais à son insu, sans autre guide que ses
sens, sans autre livre que la nature.
Pourquoi donc l'avoir taillé avec régularité et symé-