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237 cela qu'il excelle dans les genres les plus opposés. L'art du comédien n'est, après tout, que l'imitation , non point imi- tation servile, non point copie sans intelligence , mais rai- sonnée et soumise à certaines exigences inséparables de la représentation. Les exemples d'une pareille faculté de repro- duction des types les plus dissemblables sont encore vivants dans l'esprit de tous. Michel Perrin, le père Grandet de la Fille de l'Avare et le Gamin de Paris peuvent à eux seuls donner la mesure de cette étonnante flexibilité de talent. Bouffé ne néglige rien dans la composition de ses rôles ; il saisit les nuances les plus imperceptibles. Vieillard, il se donne non-seulement les allures et la marche, mais encore les tics, les manies d'un vieillard ; jeune homme, il en a tout le laisser-aller, toute la pétulance, toute la folie. Et puis , lorsqu'il a imprimé ainsi au personnage sa physionomie exté- rieure, il lui prêle son ame, il l'anime de ses inspirations brûlantes ou joyeuses, et il parvient à arracher à toute une assemblée d'abondantes larmes ou les éclats de ce rire franc et de bon aloi que le vrai talent sait seul exciter. Bouffé n'était point connu à Lyon. Ses premières repré- sentations ont attiré peu de monde, et nous en étions éton- nés autaut qu'affligés. Mais bientôt la salle du Gymnase s'est trouvée, tous les soirs , trop petite pour contenir la foule qui courait admirer ce grand comédien. Le génie est parfois méconnu, et reste momentanément ignoré; mais lorsqu'enfin il s'est fait jour, il s'impose par sa propre force, et ses admi- rateurs regrettent souvent de n'avoir pu lui rendre plutôt hommage et justice. Mlle Falcon est un autre exemple de l'espèce de défiance du public lyonnais en particulier pour les réputations loin- laines qui n'ont pas encore fail leurs preuves ici. Ses pre- mières représentations sur notre scène ont été loin d'exciter l'ardente curiosité dont elle est aujourd'hui l'objet. Et cepen- dant quel talisman sur une affiche que le nom de Mlle Fal- con , auquel restera toujours attaché le souvenir de la créa-