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loinThorison ; des compatriotes nous entourent et nous par-
lons français. Dans un mois nous saluerons Marseille, dans
un mois nous foulerons une autre terre ; nous verrons un autre
p e u p l e , une autre civilisation. Elevons nos verres! de la gaîté!
vive la France ! c'est le séjour du bonheur et c'est notre pa-
trie !
    Tout à coup le v e n t , qui commence à gronder en amon-
celant les nuages sur un point du c i e l , fait redouter aux na-
vigateurs l'approche d'un de ces grains qui fatiguent les ma-
telots , forcés de manœuvrer à chaque i n s t a n t , et qui dislo-
quent les bâtiments bernés sur les vagues. Notre joie est
interrompue : chacun regarde en silence le spectacle que
présente la m e r ; toutes les aines se remplissent d'impressions
aussi rapides que le choc des eaux , aussi nouvelles que si
ce spectacle s'offrait pour la première fois.
   C'est une plaine immense comme le firmament, azurée
comme lui et faisant scintiller des points blancs et lumineux
comme des étoiles. Bien plus , le sillage du navire laisse au
loin une zone nuageuse qui s'étend comme la voie lactée pour
ceindre le ciel; et ce morceau de bois où s'agitent des hommes
rappelle notre chétive planète au milieu des airs : un vaisseau
est un point qui flotte sur l'Océan.
  La brise siffle dans les cordages , l'onde mugit telle qu'une
émeute qui va assaillir le palais des rois. Ce n'est plus l'image
descieuxparsemés de constellations brillantes. La mer, fouet-
tée par le vent, se couvre d'écume et serpente d'une façon
bizarre. Chaque vague fait jaillir une pluie si fine qu'on la
nomme poussière d'eau.
   Les transformations se succèdent avec rapidité.
   Maintenant on croirait voir une contrée remplie de coteaux
et de vallons blanchis par la neige. Les chants des marins
réjouis en voyant filer le navire chassent les pensées attris-
tantes. L'on songe bien parfois qu'une seule planche r o m p u e ,
tout serait engîouti en quelques secondes ; mais bientôt les
flonflons de l'équipage font évanouir cette tristesse intempes-