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leur la voie, ils la suivront. Ce n'est pas le ridicule qu'il faut
remuer alors ; il existe partout, il suinte par tous les pores du
désordre social. Pour guérir le vice, il faut montrer ce qu'est
la vertu ; pour chasser le ridicule, employez le sublime.
   Aux époques de corruption , quand le pouvoir est au som-
met de la licence , c'est le ridicule qui arrive avec ses trois
formes aussi, poème b u r l e s q u e , c o m é d i e , c h a n s o n , ronde
infernale et grotesque, qui fait tourner la tête à la puissance,
et ne cesse que lorsque celle-ci est tombée ivre-morte à ses
pieds. On pourrait dire du ridicule qu'il d é c o m p o s e , qu'il
analyse; comme on pourrait dire du sublime, qu'il compose,
qu'il synthétise. En Espagne, Cervantes, Caldéron ; en Italie,
l'Ariote, Bocacio ; en F r a n c e , Rabelais, Molière , Béranger ;
tous semblent être accourus au moment où la corruption
de certaines classes a atteint son point e x t r ê m e , et où il est
nécessaire d'extirper de l'arbre social les plantes parasites,
sous peine de les voir mourir, et bientôt l'arbre renouvelle
sa verdure et porte de nouveaux fruits.
   Pour rire des ridicules de ses semblables, il faut être à
peu près heureux ; or, nul ne peut se dire heureux et Iran-
quille dans les temps de crise et de rénovation. Tout tremble;
on sent plus le besoin de se serrer en masse compacte au-
tour d'une même p e n s é e , d'un même drapeau; on sent plus
ce besoin d'union , dis-je, que celui de rire les uns les autres
de ses propres misères.
   Il peut paraître extraordinaire de ne parler ni de Racine,
ni de Corneille, à propos du drame. Cependant qu'on exa-
mine l'influence de ces génies, et l'on s'assure qu'elle a lieu
dans la l a n g u e , et non dans la société ; que pouvaient-ils
dire à cette dernière agenouillée devant les maîtresses et les
favoris de ses rois ? Différence bien sensible entre eux et
Shakespeare, Milton et Byron. Ceux-ci ont pris corps à corps
le p e u p l e , et ils lui ont inspiré les sentiments qui les ani-
maient. Venus en temps plus opportun que nos tragiques ,
ils ont trouvé des âmes toutes prêtes à recevoir une impul-