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239 nature de sa voix éclatante et toute extérieure, l'entraîne- ront toujours à sacrifier le jeu au chant; avec lui nous au- rons l'opéra italien en français, mais il ne nous rendra pas l'Académie Nationale de musique rêvée par Nourrît. Il faut chanter certainement à l'Opéra, Serait-il vrai, ainsi qu'on le m u r m u r e , que la voix de Nourrit se trouve près d'être en décadence? Ceux qui l'ont entendue le mois passé répondront très-positivement el en souriant : NON. Et en effet, pour la fraîcheur et la suavité, quoi de comparable à la voix de Nourrit, par exemple, dans le deuxième acte de Guillaume Tell, l'air de la Juive : Ravhel, quand du Seigneur, et les n o m - breux motifs tendres et doux des Huguenots? Certes , Nourrit apporte un art infini à l'exécution de ces charmantes phrases musicales ; mais une perfection pareille n'implique t-elle pas la présence d'un instrument complet et doué de toute sa vi- gueur! D'ailleurs ce qu'on prend quelquefois pour de la fa- tigue n'est qu'une sorte d'adresse de la part de l'artiste qui ménage ses forces pour leur donner à propos tout leur essor. Aussi, quelle énergie , quelle puissance, lorsqu'une situation se présente où il faut déployer une violente passion et faire déborder en flots tumultueux les impressions qui remplissent et tourmentent l ' a m e ! Dans ces m o m e n t s , Nourrit laisse à sa voix tout son développement, et l'on sait quel effet il pro- duit. A certains endroits , écueil de presque tous les chan- t e u r s , et que quelques-uns ne rendent même d'une manière incomplète qu'à l'aide d'immenses efforts, cette voix acquiert la sonorité et le timbre d'un instrument de cuivre. C'est ainsi que les phrases si connues : Des chevaliers de ma patrie, Mal- heur à nos tyrans, Suivez-moi, Dieu veille sur ses jours, Dieu secourable, électrisent et transportent tout un auditoire lors- qu'elles sortent de la bouche de Nourrit. Cet artiste , si recommandable par son talent et par ses qualités d'homme privé et de citoyen, parcourt aujourd'hui la province et y popularise les œuvres musicales, auxquelles il a su donner un si grand éclat.