page suivante »
65 que instant. On délibéra au milieu d'une morne anxiété. Bien- tôt tous furent aux pompes , et l'on ne respira librement qu'après avoir jeté l'ancre dans un port hospitalier. Durant trois mois , Rhodes , l'antique couvent des cheva- liers , nous protégea comme jadis elle secourait les pèlerins de la Terre-Sainte. La douceur de son c i e l , l'aménité de se» habitants et la poésie de ses ruines nous firent oublier nos malheurs ; mais sa végétation puissante , ses productions eu- ropéennes , ses blasons fleurdelisés et ses bals parisiens nous firent désirer plus vivement de revoir notre France , de vivre au sein de nos familles. Voilà Marseille , voilà Marseille !.... Ce cri a épanoui nos âmes : tout nous paraît enchanté. Hélas ! un nouveau danger nous attend : notre ancre se brise et le vaisseau se froisse sur des rochers. Mais tout s'agite ! des milliers de bras nous apportent des secours généreux et in- telligents. Nous sommes en terre chrétienne -, la charité veille sur nous. Jésus a enseigné à ses enfants à se dévouer au mal- heur ! !.. Nous pouvons à présent admirer avec sécurité ces murs que l'industrie fonde au milieu des eaux et comparer à l'aise l'empire du Sultan et les états chrétiens. Que l'Orient nous apparut barbare ; comme ces côtes de France , où l'homme a su féconder des rochers, contrastent avec les plages africaines, où cependant il faudrait si peu d'efforts pour enfanter des mi- racles. Ici que de travail et de savoir , là bas que d'ignorance et de paresse : et si nous fussions échoués au port d'Alexan- drie , pas un bras ne se serait offert, à peine nous aurait-on regardés en murmurant Allah ! Kérim! Oh ! que Marseille doit être beau ! Oh ! que la quarantaine nous semblera longue ! Eh b i e n ! non !.... Marseille, c'est Alexandrie dépoétisée, agrandie , rebadigeonnée, blanchie, et veuve de ses obélis- ques et de ses catacombes , c'est Alexandrie comme la fera le Pacha ou son fils Ibraïm si rien ne bouleverse leur empire , "' 5