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de ses camarades, car à eux il leur a laissé- une place de
plus à occuper; presque tous regardent l'emploi sans ré-
fléchir au devoir qu'il impose.
   Ces amères réflexions, Serizan les avait faites plus
d'une fois, surtout depuis les tristes événements de No-
vembre, dans lesquels avait figuré son régiment; ces pen-
sées douloureuses ne cessaient de l'assaillir; il lui semblait
voir dans tous les yeux des regards ennemis, sur tous les
visages la haine ou l'a vengeance. Ce sentiment si pénible
et si profond de la fausseté de sa position au milieu de
la société , il le tenait renfermé dans les replis les plus
intimes de son cœur; c'était comme un cancer interne
qui lui rongeait la poitrine, sans qu'aucun cri de faiblesse
ne vînt trahir au dehors cette douleur continuelle. En ce
moment, cependant, le mal avait fait trêve avec l u i , une-
idée de bien l'occupait tout entier.
   Le petit enfant, qu'il avait relevé et consolé, marchait
à ses côtés, grelottant dans tous ses membres, et Seri-
zan le couvrant des plis de son manteau, le pressait
contre lui. Ils allèrent ainsi silencieusement l'un près de
l'autre pendant près d'une demi-heure; ils franchirent
une partie de la côte rapide de Saint-Sébastien; ils entrè-
rent dans une de ces rues transversales, qui semblent
être, au milieu de la montée de la Croix-Rousse, comme
autant de gradins immenses pour reprendre haleine et pour
se reposer. Bientôt nos deux individus s'arrêtèrent devant
une petite porte bâtarde ; le capitaine posa une clef dans
la serrure, ouvrit, et bientôt il disparut avec son pro-
tégé dans une allée étroite et sombre.
   Serizan logeait au deuxième étage. A peine entré dans
une chambre, vous avez souvent remarqué qu'on peut,
sans en connaître le locataire, faire à la première vue