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421 de ses camarades, car à eux il leur a laissé- une place de plus à occuper; presque tous regardent l'emploi sans ré- fléchir au devoir qu'il impose. Ces amères réflexions, Serizan les avait faites plus d'une fois, surtout depuis les tristes événements de No- vembre, dans lesquels avait figuré son régiment; ces pen- sées douloureuses ne cessaient de l'assaillir; il lui semblait voir dans tous les yeux des regards ennemis, sur tous les visages la haine ou l'a vengeance. Ce sentiment si pénible et si profond de la fausseté de sa position au milieu de la société , il le tenait renfermé dans les replis les plus intimes de son cœur; c'était comme un cancer interne qui lui rongeait la poitrine, sans qu'aucun cri de faiblesse ne vînt trahir au dehors cette douleur continuelle. En ce moment, cependant, le mal avait fait trêve avec l u i , une- idée de bien l'occupait tout entier. Le petit enfant, qu'il avait relevé et consolé, marchait à ses côtés, grelottant dans tous ses membres, et Seri- zan le couvrant des plis de son manteau, le pressait contre lui. Ils allèrent ainsi silencieusement l'un près de l'autre pendant près d'une demi-heure; ils franchirent une partie de la côte rapide de Saint-Sébastien; ils entrè- rent dans une de ces rues transversales, qui semblent être, au milieu de la montée de la Croix-Rousse, comme autant de gradins immenses pour reprendre haleine et pour se reposer. Bientôt nos deux individus s'arrêtèrent devant une petite porte bâtarde ; le capitaine posa une clef dans la serrure, ouvrit, et bientôt il disparut avec son pro- tégé dans une allée étroite et sombre. Serizan logeait au deuxième étage. A peine entré dans une chambre, vous avez souvent remarqué qu'on peut, sans en connaître le locataire, faire à la première vue