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le temps de sa jeunesse, était l'abondance d'idées, l'opu-
lence de moyens, plus tôt que le parti pris et le choix.
Il voyait tour à tour et sans relâche toutes les faces d'une
idée, d'une invention 5 il en parcourait irrésistiblement
tous les points de vue; il ne s'arrêtait pas.
    Je m'imagine (que les mathématiciens me pardonnent
 si je m'égare), je m'imagine qu'il y a dans cet ordre de
vérités, comme dans celles de la pensée plus usuelle et
plus accessible, une expression unique, la meilleure entre
plusieurs, la plus droite, la plus simple, la plus nécessaire.
Le grand Arnauld, par exemple, est tout aussi grand logi-
cien que La Bruyère; il trouve des vérités aussi difficiles,
aussi rares, je le crois; mais La Bruyère exprime d'un
mot ce que l'autre étend. En analyse mathématique,
il en doit être ainsi ; le style y est quelque chose.
Or, tout style (la vérité de l'idée étant donnée) est un
choix entre plusieurs expressions ; c'est une décision
prompte et nette, un coup d'état dans l'exécution. Je
m'imagine encore qu'Euler, Lagrange, avaient cette ex-
pression prompte, nette , élégante, cette économie con-
tinue du développement qui s'alliait à leur fécondité inté-
rieure et la servait à merveille. Autant que je puis me
le figurer par l'extérieur du procédé dont le fond m'é-
chappe, M. Ampère était plutôt en analyse un inventeur
fécond, égal à tous en combinaisons difficiles, mais re-
tardé par l'embarras de choisir ; il était moins décidément
écrivain.
    Une grande inquiétude de M. Ampère allait à savoir
si toutes les formules de son mémoire étaient bien nou-
velles; si d'autres, à son insu, ne l'avaient pas devancé.
Mais à qui s'adresser pour cette question délicate ? Il y
avait à l'Ecole centrale de Lyon un professeur de mathé-