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350 le temps de sa jeunesse, était l'abondance d'idées, l'opu- lence de moyens, plus tôt que le parti pris et le choix. Il voyait tour à tour et sans relâche toutes les faces d'une idée, d'une invention 5 il en parcourait irrésistiblement tous les points de vue; il ne s'arrêtait pas. Je m'imagine (que les mathématiciens me pardonnent si je m'égare), je m'imagine qu'il y a dans cet ordre de vérités, comme dans celles de la pensée plus usuelle et plus accessible, une expression unique, la meilleure entre plusieurs, la plus droite, la plus simple, la plus nécessaire. Le grand Arnauld, par exemple, est tout aussi grand logi- cien que La Bruyère; il trouve des vérités aussi difficiles, aussi rares, je le crois; mais La Bruyère exprime d'un mot ce que l'autre étend. En analyse mathématique, il en doit être ainsi ; le style y est quelque chose. Or, tout style (la vérité de l'idée étant donnée) est un choix entre plusieurs expressions ; c'est une décision prompte et nette, un coup d'état dans l'exécution. Je m'imagine encore qu'Euler, Lagrange, avaient cette ex- pression prompte, nette , élégante, cette économie con- tinue du développement qui s'alliait à leur fécondité inté- rieure et la servait à merveille. Autant que je puis me le figurer par l'extérieur du procédé dont le fond m'é- chappe, M. Ampère était plutôt en analyse un inventeur fécond, égal à tous en combinaisons difficiles, mais re- tardé par l'embarras de choisir ; il était moins décidément écrivain. Une grande inquiétude de M. Ampère allait à savoir si toutes les formules de son mémoire étaient bien nou- velles; si d'autres, à son insu, ne l'avaient pas devancé. Mais à qui s'adresser pour cette question délicate ? Il y avait à l'Ecole centrale de Lyon un professeur de mathé-