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.l'introduction de son grand ouvrage, qui, renfermant des gé-
 néralités, pouvait être traité de mémoire. Il se faisait racon-
 ter par son fils, et par les botanistes qui venaient le visiter,
 les progrès de la science, et les résumait avec une précision
 étonnante, portant sa critique sur les poiuts faibîes et dou-
 teux > tout de prime-abord et comme par instinct : car chez
 lui, comme chez tous les hommes célèbres par leurs inno-
 vations , l'instinct jouait le rôle principal. Aussi avait-il, en
 fait de plantes , une sorte de divination, et, sans savoir pour-
 quoi se trouvait-il juger mieux que d'autres, qui soutenaient
 leur opinion sur des raisons nombreuses et spécieuses ; c'est
 qu'il possédait cette science incarnée, pour ainsi dire, résultat
 du génie et d'une longue expérience, qui arrive assez vite
 au bat par une sorte d'intuition instinctive, pour n'avoir plus
 besoin de se rendre compte de la série de ses raisonne-
 ments.
     Si, malgré une aussi incontestable supériorité, la justice
 s'est fait un peu attendre pour A.-L. de Jussieu , elle a, du
 moins, été pleine et entière ; l'œuvre de de Jussieu, comme
 l'a très-bien dit M. de Mirbel, l'œuvre de de Jussieu, que
 nous nommons avec un noble orgueil la Doctrine française,
 a triomphé, et, comme toute grande pensée dans les sciences
 a ce double caractère d'être si élevée qu'il semble que l'in-
 telligence humaine ne puisse pas remonter plus haut, et si
 féconde, que tout ce qui se place au-dessous s'y rattache par
 son origine, il arriva que la révolution qui changea la face
 de la botanique, étendit sa puissante et salutaire influence
 sur toutes les autres branches de l'histoire naturelle.
     « De Jussieu vécut assez long-temps pour assister au juge-
 ment delà postérité. La renommée qu'il acquit est immense
 et aussi durable que la science elle-même. »
    Tel a été le savant ; quant à l'homme privé, c'était le
 meilleur des hommes , le plus incapable d'un sentiment ou
 d'un acte mauvais, et n'y croyant pas dans les autres. La
 vieillesse n'avait altéré en rien cette imperturbable bonté ; il