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152 Nous avions atteint, dit-il, le sommet du sentier, où, pour la seconde fois , est entaillée la montagne dont l'ascension efface le péché. Là , règne, comme nous l'avions vu plus bas, une corniche circulaire, dont l'arc est pourtant plus resserré. On n'y voit plus ni tableau ni sculpture ; ses bords et le sen tier dépouillé n'ont que la teinte livide du rocher. Je crains bien , dit le poète, que si nous avons ici besoin de quelque guide, nous soyons long-temps avant de résou- dre à qui nous adresser. Puis., fixant ses regards vers le so- leil , il ramena la partie gauche de son corps vers la droite qui pivota immobile. 0 douce lumière ! s'écria-t-il, plein de- confiance en toi, je pénétre dans un sentier nouveau ; conduis-nous comme il nous est nécessaire en ce passage ; tu brilles sur l'univers , tu le réchauffes, et tes rayons doivent toujours nous guider, si quelque autre cause ne nous pousse, d'uue manière irré- sistible , dans une direction opposée. En peu d'instants j notre ardent désir nous avait fait par- courir un espace aussi étendu que le serait un mille; et nous entendîmes la voix d'esprits invisibles, volant auprès de nous, affables invitations à la table d^amour. La première voix que nous entendîmes-dans son vol: Vi- num non habent (l), s'écria-t elle; elle répéta ensuite ces mots au loin ; et avant que-son éloigneraient ne nous, permît plus de l'entendre : Je suis OresteÇï), s'écria, en passant, une autre voix qui ne s'arrêta pas davantage. O mon père! quelles sont ces voix? Et comme je parlais encore, voilà qu'une troisième: Aimez, s'écria- t-elle , ceux qui vous ont fait du mal. Ce cercle, me dit le bon maître, châtie le péché de l'en- vie : et cependant c'est l'amour qui a fourni les cordes de la (1) Vinum non habent. (2) Je suis Oreste. Paroles d'amour et de douce charité. Les premières sont de la Vierge à son divin Fils aux noces de Cana, quand Marie s'aperçut que les convives manquaient de vin. Pilade prononça les aur tees devant le sacrificateur qui voulait immoler Oreste.