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98 l'imagination du poète, qui lirait si bien de peine les amours, qui frappait de si grands coups d'estoc et de taille, qui éta- lait au front d'un camp d'ingénieux stratagèmes de guerre ou traçait dans les nues de formidables apparitions, que les arls, la poésie, l'histoire, l'amour, la guerre et aussi la jus- tice en 'prennent le deuil. Le merveilleux a disparu. Il s'est retiré au fond de ces mystérieuses cavernes qu'habitaient les nécromanciens ; il ne sort plus de ces palais de cristal ou de nuages qui étaient le séjour des fées ; il a fui dans l'haleine embaumée de ces vents où se balançaient les lutins elles syl- phides; il est captif dans ces gouffres sans fond où les de- v o n s maudissent la lumière ; sur lui s'est refermée, hélas ! et à jamais, cette porte d'ivoire que Yirgile ouvrait au pas- sage des songes. Plus de talismans, plus d'amulettes, plus de carrés magiques, plus d'anneaux constellés! les puissances surnaturelles sont sourdes aux évocations du grimoire. Nous n'assistons plus à ces scènes ou gracieuses, ou imposantes ou terribles, qui ouvraient les barrières d'un monde nouveau. A. la voix d'une Canidie , d'une sorcière thessalienne, la lune ne descend plus des cieux et ne vient plus se jouer sur les gazons. Oublieux successeurs de Faust et de Flamel, nos physiciens et nos chimistes ne savent plus les toute-puissantes formules qui jetaient la nature hors de son cours. Regardes à l'Orient! ce beau soleil de poésie qui s'y levait s'est éteint. Quelle sultane Shéhérazade trouverait matière à ses écla- tants récits pour dissiper le lourd sommeil d'opium qui pèse sur la paupière d'un pacha? Quelle Armide nous rendrait ces ombrages qui distillent une langueur voluptueuse ? Au lieu de tous ces prestiges des anciens temps, nous avons des livres et des journaux. Et nous en tirons vanité ! nous en exaltons la puissance ! comme si ces tristes lettres d'imprimerie aux- quelles on ne peut contester d'avoir servi à faire des révolu- tions , valaient seulement les fameux caractères runniques, h l'aide desquels on mettait l'anarchie dans les astres! Non,