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de qualités qui lui ont été jusque là étrangères. Véritable-
ment cela est impossible; car l'intelligence, si grande soit-
elle , ne donne pas ce qu'elle n'a point appris ; le caractère
n'efface pas non plus subitement les ernpreintes creusées par
la destinée ; et l'existence du commerçant, qu'esl-elle, si-
non une longue traversée de travail et d'économie, une idée
fixe d'opérations lucratives? À l'époque des cheveux blancs,
à celte époque où tout en nous devient plus inflexible, quelle
autre aptitude, quelle autre passion, pourrait tout-à-coup
s'élever dominante, victorieuse à travers les flots de la vie!
    Aussi rien ne me paraît étouffant dans les arts, rien ne me
semble ridicule comme le patronage des gens de commerce.
 Si ce patronage se réduisait à quelques écus détournés du
 sanctuaire et jetés comme une folle dépense, à la bonne
 heure ! Mais non! Quand le commerçant donne son argent,
 il veut toujours en retirer pied ou aîle ; l'habitude de calculer
le produit de toute somme, l'empêche de concevoir le plai-
 sir de donner, dans un but désintéressé, but d'ailleurs dont
 il nie ou ne comprend pas bien l'utilité.
    C'est à cette dernière cause et dans des applications di-
 verses qu'il faut peut-être attribuer l'allanguissement et le
 prosaïsme de l'art. Depuis que la classe industrielle s'est em-
parée de la prépondérance sociale, la source des grandes
inspirations va toujours s'appauvrissant. Les arts, cette
manifestation de l'idéalité humaine , ont sans doute peur de
livrer leurs sublimes rêveries au mépris du positif commer-
cial; la poésie reste cachée au fond des cœurs, ou bien, met-
tant bas sa honle et prenant patente, elle fait métier et
marchandise de sa beauté. Sous les caresses du bourgeois,
la prostiluée a vu ternir l'éclat de son front; elle se traîne,
impuissante et maladive, au conlact de celle alliance mons-
trueuse , marchandant chacune de ses fantaisies , veillant sur
ses allures et réduite au triste rôle de passe-temps.
    Esclave, courbe donc la tête ! noble épouse, au lieu d'exal-
ter les pensées de l'homme , fais des chansons pour endormir