Revue du Lyonnais » série 1 - n°5 ( 1837 ) » pp.034

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M est un embarras, un fardeau ridicule. La canne alors, Mon-
 « sieur, est une absurdité. • >
    Or, mon jeune compagnon avait un jonc magnifique, venu
 des îles en ligne directe, et artistiquement sculpié. Ce jonc,
 depuis un an , élait son Achale fidèle. Aussi bondit-il d'indi-
gnation, autant du moins qu'un joli garçon peut bondir lors-
 qu'il est sous le feu des regards de deux rangées de jolies
femmes, puis il s'arrêta ; son œil était animé, sa voix irritée,
 et me saisissant le bras d'un geste provocateur : « j'ai une
 canne, Monsieur. » Yrai Dieu, j'eus presque peur et cherchai
 à réparer de mon mieux ma sottise. J'avouai d'un ton modeste
 que je pouvais avoir tort, que j'étais prêt à reconnaître les
porteurs de canne pour des hommes d'honneur, des hommes
d'esprit, voire même des hommes de génie ; mais j'assurai en
même temps que je ne voyais pas encore la valeur de cette
mode. Alors, à la contraction de la colère , succéda, sur la fi-
gure de mon jeune homme, un sourire d'ineffable mépris:
jl me dit d'une voix lente et dédaigneuse et tout en lorgnant
une dame : vous êtes absurde , mon cher.—Cela est possible,
repris-je alors en toute humilité , mais enfin dites-moi     Vous
demandez, interrompit-il avec impatience, vous demandez à
quoi la canne est utile. Mais vous n'avez donc jamais réfléchi
sur les bonnes manières , mais vous êtes donc un vrai Lyon-
nais en dandysme. (Lyonnais pour ce Monsieur-là est syno-
nyme de Béotien. Oh ! blasphème ) ! Regardez-moi et vous sen-
tirez toute l'importance de la canne entre les mains d'un
homme qui sait vivre. Alors il fit exécuter à sa canne un
certain nombre d'évolutions très-gracieuses peut-être, mais
dont mon cerveau tenaillant ne put comprendre la valeur, et
après avoir long-temps, mais inutilement, contemplé mon
beau promeneur, je lui dis d'un air hébété : mon cher Mon-
sieur, j'ignore encore à quoi une canne est utile. Il voulut bien
alors venir au secours de mon ignorance.
   La canne d'abord donne une contenance. Où diable pla-
cerez-vous donc vos bras, si vous n'avez pas une canne ? Les