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te l'ère des grandes croisades est close, et le Rhône avec ses crues constitue
un obstacle sérieux à la circulation internationale ; sans doute aussi le
régime féodal qui pèse sur la cité est lourd et oppressif : églises et cou-
vents ne sont pas seulement des organismes religieux, mais des seigneuries
auxquelles aucun homme n'échappe, et l'archevêque installé sur le roc de
Pierre-Scize, dans un château quasi inaccessible dont on aperçoit d'en bas
les tours rondes et les murs crénelés, fait figure de baron féodal plus que
de pasteur des peuples. Mais que les Lyonnais réussissent à jeter un pont
solide sur le fleuve impétueux et à obtenir, après tant d'autres, une charte
de liberté, et ils recueilleront le fruit de leur patient labeur et de nouveau la
fortune leur sourira.
      Hélas ! le Rhône refuse de se soumettre. En vain, pour calmer
« l'âpreté des eaux », moines et laïcs arrachent à pleines mains les monu->
ments romains et les précipitent dans le lit du fleuve, espérant l'endiguer :
le Rhône demeure indomptable, et les frères pontifes eux-mêmes, les archi-
tectes du pont d'Avignon, appelés à Lyon dès 1180, se montrent impuis-
sants. Installés à l'extrémité du Bourg Chanin, sous la direction du frère
Etienne, ils ont arrêté le plan d'un pont de bois dont les supports en char-
pente seront remplacés progressivement par des arches de pierre. En
1190, ce pont est fait, et l'avant-garde de la troisième croisade, à la tête de
laquelle chevauchent Philippe-Auguste et Richard Cœur de Lion, peut le
traverser ; mais au moment où se présente le gros de l'expédition, une arche
de sapin s'écroule « à cause de l'eau qui est démesurément haute et peu sûre »,
amenant quelques noyades et obligeant les croisés à passer sur d'étroites bar-
quettes x. Pendant un siècle, aidés par les subventions que des gens pieux,
surtout ecclésiastiques, attribuent dans leurs testaments à « l'œuvre du
pont du Rhône » 3 , les pontifes continuent de lutter contre des accidents de
cette nature. Découragés, ils cèdent la place, en 1301, aux religieux de
 Hautecombe auxquels succèdent quelques années après ceux de Chassagne.

     1. L'Estoire de la guerre sainte par Ambroise, p. 339-340, éd. Gaston Paris, Imprirn. nat., MDCCCXC
VII, Cf. Cartellieri, Philipp H August, t. II, p. 117-118, Leipzig, iqo6. Le nombre des croisés aurait été
supérieur à 100.000 selon Ambroise qui paraît avoir fortement exagéré, et il fallut trois jours pour les passer
après la rupture du pont. En tout cas, on voit que le fameux accident se réduit à fort peu de chose.
     2. Cartulaire lyonnais, t; I, n os 217,225, 281,400,431, 450, t. II, n os 575 et suiv. Obituarium lugdunensis
ecclesiœ, nos 20,30,31,35,36, 38, 39,41,44,46. Tous ces testaments appartiennent au s u f siècle,