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— 118 — début de la Révolution, pour diverses malversations. Puis, ayant réussi à s'évader— on le faisait si facilement alors!— il passa à l'Etranger. Il rentra en France en 1793, vint à Lyon, prit part au siège, s'enfuit, après la prise de la ville, avec le marquis de Gramont, commandant l'une des colonnes de l'armée assiégée, et se réfugia de nou- veau en Suisse. Revenu en France après thermidor, il prit une part active aux trou- bles qui ensanglantèrent la ville d'Arles. Il passait, dans les Bouches-du-Rhône, au moment où il se dirigea sur Lyon à la suite du Corse, pour l'un des fourriers de la conspiration royaliste qui devait embraser tout le sud-est de la France et pour l'un des directeurs des « Compagnons de Jésus ». L'intervention de cet individu dans le meurtre d'Istria semble bien indiquer que celui-ci, chargé d'une mission importante, gênait le parti contre-révolutionnaire-et que sa disparition avait déjà été concertée hors de Lyon : dans cette ville seulement l'occasion propice s'était rencontrée en même temps que des exécuteurs déterminés, et Champreux n'avait pas laissé échapper cette occasion. Voici d'ailleurs, à propos de son rôle dans cette affaire, ce que dit la note de police que nous avons déjà citée : « Istria, Corse, passait pour porter des renseigne- ments sur l'état de son pays au Directoire exécutif, et Champreux, alors à Marseille, l'a suivi depuis cette ville et l'a fait assassiner par ses bourreaux à gages... Champreux est porteur d'une commission des agences de transports militaires. Cette espèce de commission est une savonnette à vilain pour tous les émigrés et jeunes gens de la réquisition. Il cherchait à se procurer un certificat de résidence ici ». Le cinquième individu arrêté à la porte de l'hospice était l'horloger Gaspard Duffeu. On le connaissait peu et son rôle paraît avoir été assez effacé. Les cinq personnages dont nous venons d'esquisser brièvement la physionomie furent enfermés, après leur interrogatoire sommaire, dans les caves de l'Hôtel de Ville, celles mêmes où s'entassèrent par centaines, deux ans plus tôt, les victimes du tribunal de sang. Mais, si leur crime avait ému les honnêtes gens, leur arrestation avait aussi mis sur pied les nombreux complices de leurs forfaits. Ils n'étaient pas enfermés dans le sinistre sous-sol que, le soir même, on trouvait déjà le moyen de leur faire passer des limes pour leur permettre de s'évader et, à Pin, pour se disculper, une veste propre en remplacement de celle qui était maculée du sang d'Istria. L'éveil donné à temps, des mesures de précaution furent prises, et les cinq prévenus furent transférés à la prison de Roanne, attenante au Palais de justice. Mais ce transfert n'arrêta pas l'action incessante de leurs amis : tout fut mis en œuvre au dehors pour leur venir en aide, pour faciliter leur délivrance, pour assurer aussi leur impunité s'ils en arrivaient à comparaître devant le jury. Le jour même de leur incarcération dans la maison d'arrêt, on faisait offrir aux guichetiers deux cents louis d'or pour qu'ils facilitassent leur évasion ; le lendemain, l'offre était portée jusqu'à douze cents louis! L'argent ne coûtait guère alors à ces gens-là . Le jeu, l'investissement nocturne des fermes isolées où l'on « chauffait » les maîtres du logis, l'arrestation à main armée des diligences et des courriers, sans parler des subsides plus problématiques venus de l'Etranger, pourvoyaient à tous les besoins. Les guiche- tiers ne s'étant pas laissés corrompre, on essaya sur eux de l'intimidation, à tel point