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— 71 — aux saints ou aux fêtes de l'année liturgique se traînent languissants, ou sont gâtés par des métaphores et des comparaisons précieuses ou déplacées ; bien des fois, l'amplification oratoire lui fait diluer sa pensée. Mais, ce sont là surtout défauts de l'époque, et Romanos ne saurait y échapper entière- ment. Par contre, dans ses hymnes, chantés aux grandes fêtes, dans son Hymne de Noël, par exemple, il révèle ce qu'il est, l'Incomparable mélode que le don de dramatiser les scènes, évoquées aux yeux des fidèles, le savant mélange du réalisme et du merveilleux biblique, la vérité humaine des sentiments, la langue nuancée, qui ne recule pas devant le mot propre, si peu poétique soit-il, la discrétion des images, l'harmonie et l'ampleur du rythme, portant, en quelque sorte, dans les dernières strophes, l'hymne au pied même du Tout Puissant, mettent bien au-dessus de l'auteur de l'hymne « Acathistos », si admiré et si chanté dans les églises orthodoxes, de Serge, le patriarche de Constantinople* Toutes ces qualités semblent réunies dans l'Hymne de Noël. Après une courte introduction, l'hymne commence par une strophe où, sous l'abon- dance des souvenirs bibliques, un peu déconcertants pour le lecteur mo- derne, éclate l'allégresse du mélode, à l'anniversaire de Noël. Puis, c'est aussitôt le monologue de Marie, tout étonnée de se voir à la fois vierge et mère. Mais elle se doute qu'elle est l'instrument de Dieu, dont les voies restent impénétrables, et elle ne cherche pas davantage à éclaircir ce mys- tère. Son instinct maternel s'inquiète vite, du reste, du dénûment où elle se trouve. Que va devenir son fils? Elle n'a rien, « pas même la grotte, pas même un trou ». Sur ces entrefaites, paraissent les mages (str. 4). « Qui êtes-vous ? », s'écrie Marie, en les apercevant. Mais ces derniers, sans lui répondre, lui demandent, à leur tour, de quelle race elle peut bien être, pour avoir mis au monde ce fils « qui n'a pas de père terrestre ». Guidés par une étoile merveilleuse, ils sont venus et demandent à adorer le nourrisson (str. 5). Et Marie, toute surprise, sent d'abord flatté son orgueil maternel : « Grand, ô mon enfant, dit-elle à son fils, grand est tout ce que tu as fait avec mon dénûment » (str. 6). Son fils est tout pour elle, « sa gloire et son orgueil ». Peu lui importe désormais la malpropreté de l'étable. Elle n'a plus honte de recevoir les mages somptueux et altiers (str. 7), et elle deman- %