page suivante »
— 121 — cavalerie précitée. Une foule de peuple faisait queue et prodiguait les applaudisse- ments. A leur entrée à Lyon, les sept premiers cavaliers crièrent : « Vivent les bons « républicains! Jetez-nous par la fenêtre les Jacobins! ». Tout le monde répétait : « A bas, à bas les Jacobins, les terroristes ! ». La foule s'accrut alors de beaucoup de gens de rivière ; des portefaix se joignirent à l'escorte pédestre. On faisait souvent halte en buvant à la santé des braves gens, après quoi on criait de nouveau : « A bas les « Jacobins, les terroristes ! ». « Près des casernes de Serin, ci-devant Grenier d'Abondance, on fraternisa ou l'on voulut fraterniser avec la troupe : elle se comporta prudemment. De tout côté le peuple accourait, et, depuis Serin jusqu'à la Feuillée, le cortège grossit de moitié, soit de gens à cheval qui venaient de toutes parts au galop, soit de gens à pied parmi lesquels on voyait tous les portefaix des ports de ce côté, gens de rivière, bouchers, etc. Arrivés vers le port Benoît, qui est entre Serin et la Feuillée, on n'entendit, soit des cafés et des fenêtres de toutes les maisons, soit de la part de la multitude qui obstruait les quais, que des battements de mains et les cris redoublés : « A bas les « terroristes ! Jetez par la fenêtre les Jacobins ! ». Enfin cette phalange triomphante vint passer près de la Maison commune, sous les fenêtres de la salle du Bureau cen- tral, fit le tour de la place de la Liberté, longea le quai de Saône, le Port-du-Temple et se rendit à la place Egalité, où elle n'eut pas d'applaudissements malgré les vociféra- tions pour les obtenir. Un particulier ayant donné quelques signes d'improbation à cette scène fut grandement menacé et courut des dangers. De la place Egalité, la tourbe remonta sur le quai du Rhône jusqu'à la Comédie des Terreaux où enfin elle se dissémina. Nous invitâmes sur le champ le général Elie à ordonner de fortes patrouilles pour la nuit qui fut en conséquence très tranquille. « Le lendemain, au théâtre des Célestins, où l'on jouait les Visitandines, le comé- dien Revel, qui remplissait le rôle du jardinier, y fit une addition relative aux cinq élargis. Sur les reproches que l'abbesse lui faisait de ce qu'il allait trop souvent au cabaret, il dit : « Je ne fréquente pas ces endroits-là . Cependant, par exemple, j'ai bu « quelques coups de plus qu'à l'ordinaire quand j'ai vu arriver ces bons garçons qui « avaient été envoyés là -bas pour cette méchante affaire de... (des gestes) ; ils sont « revenus comme ça... (frottant et montrant sa main nette) ; les amis sont allés au- « devant. Pour les autres... (un geste de chasse en arrière). Il me reste encore une pièce « de quinze sols ; l'occasion est trop bonne pour que je n'aille pas la boire : je m'enivre « tout à fait! ». Cette addition, préparée sans doute et peut-être commandée, fut, comme on peut penser, extraordinairement applaudie. « On a fait, et on fait encore dans les cafés, une quête en indemnité pour les individus mis en liberté. Nous craignons bien, d'après le caractère de quelques-uns d'eux, qui nous est bien connu, soit par des renseignements sûrs, soit par des anec- dotes consignées à la police, que, devenus plus entreprenants par leur renvoi d'accu- sation, ils n'en abusent pour ourdir des intrigues contre la chose publique et que les meurtres ne recommencent ». Une recrudescence de méfaits de toutes sortes suivit, en effet, l'acquittement et le