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UN P R Ê T R E PHILOSOPHE 361 Arnaud et un Malebranche, un Bossuet et un Fénelon, un Maret et un Gratry. Du reste, tous les théologiens, aussi bien ceux qui sont favorables à la raison que ceux qui lui sont contraires, ont en philosophie une manière à eux qu'il est curieux d'étudier. Ils ne suivent pas, comme nous autres philosophes de profession, la raison sans parti pris, avec la ferme résolution d'accepter ses décisions quelles qu'elles soient ; ils ont pour ainsi dire leur siège fait d'avance et ne consultent la raison que pour le justifier. Pour nous, la philoso- phie est un ensemble d'idées destiné à nous expliquer l'énigme de l'univers ; pour eux, elle est un corps de doctrines destiné à légiti- mer l'explication que la religion en donne, explication qui reste valable à leurs jeux en tout état de cause et quelle que soit la valeur des arguments produits en sa faveur. Aussi, il leur arrive quelquefois de trancher les questions par l'autorité, au lieu de les résoudre par la discussion, et de gourmander leurs adversaires, au lieu de se borner à les éclairer. Ce sont là les défauts du genre. Il faut l'accepter de bonne grâce tel qu'il est, si on veut lire sans prévention et avec profit ceux qui l'on cultivé. C'est parmi les théologiens modérés et amis de la philosophie qu'il faut ranger M. l'abbé Pernet. Ses déclarations sur ce point sont catégoriques et ne laissent rien à désirer. Suivant lui, la rai- son peut établir inébranlablement et par ses seules forces l'exis- tence de Dieu, le libre arbitre, la spiritualité et l'immortalité de l'âme, c'est-à -dire toutes les grandes vérités métaphysiques tou- chant lesquelles Lamennais et Bautain la proclamaient impuissante. Il repousse même, non sans vivacité, l'opinion de M. Guizot, qui refusait à la philosophie le pouvoir de démontrer l'immortalité de l'âme et qui faisait de cette vérité une affaire de sentiment, non de raisonnement, un objet de croyance, non de science. Professer une telle doctrine c'est, d'après lui. donner dans un mysticisme dan- gereux et frayer la route au scepticisme. Le livre de M. Pernet est intitulé : Démonstration catholique contre le positivisme, le matérialisme et la libre pensée de MM. Littré, Robin, Renan, Taine, Soury, About, Moleschott, Vogt, Bùchner, Darwin, Tyndall, Spencer, Hseckel, Dra- per, etc. Le titre n'est peut-être pas d'une correction parfaite,