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LA J A R R E T I È R E BLEUE 273 n'aurait qu'à désigner celle de ses trois enfants qu'il voulait marier d'abord, et on la donnait à Oscar comme la propriétaire de la jarretière bleue. Grâce à cette innocente supercherie, tout le monde était content. J'allais me décider à faire cette démarche tant soit peu délicate quand un événement imprévu m'en dispensa en mettant Oscar au septième ciel. Le premier samedi de mai, nous arrivâmes rue Saint-Claude à l'heure habituelle ; la réception avait je ne sais quoi de plus céré- monieux; c'était, en effet, l'anniversaire de la naissance de Renée, de Lucile et de Marthe: elles entraient dans leur vingtième année. Les trois soeurs étaient radieuses et montraient les cadeaux que parents et amis avaient envoyés. Ce qui leur causait le plus de joie, disaient-elles, c'était une vitrine que leur père avait fait placer le matin même dans leur petit salon'et où elles avaient déjà rangé une foule de petits objets plus ou moins curieux. Oscar, désirant se rendre agréable et un peu amateur de bric-à -brac comme tous les oisifs, sollicita la grâce d'aller admirer la collection de ces demoiselles, et Lucile Morin se chargea de nous en faire les honneurs. La jeune fille nous conduisit devant la vitrine en question et se mit à sortir un à un quelques bibelots qu'elle désirait spécialement nous faire voir. Tout à coup, Oscar allongea le bras et saisit sur une tablette un objet qui n'avait nullement attiré mes yeux, placé qu'il était au fond. «Qu'est-ce que cela? mademoiselle, demanda-t-il en montrant un ruban bleu muni d'une boucle d'argent. » Sa voix tremblait, mais la jeune fille n'y prit pas garde. « Vous êtes indiscret, monsieur Oscar, dit-elle en souriant avec un peu d'embarras ; ne pourriez-vous attendre ma permission pour toucher à quoi que ce soit ? —• Mais c'est charmant, fis-je bien vite en prenant le ruban des mains d'Oscar qui pouvait, dans le trouble où je le voyais, faire une maladresse, on dirait une jarretière. — Mon Dieu, oui, monsieur, dit Lucile, et elle tira l'autre de la vitrine; ces jarretières, dont les boucles sont, paraît-il, anciennes et d'une certaine valeur, ont été données, il y a juste un an aujourd'hui, à Renée par sa marraine, notre tante Amélie, oc'ioRKii 1882. — T . IV. ; 18