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250 LA R E V U E LYONNAISE un-brocanteur juif le vendit à l'abbaye des P P . Prémontrés, sur la colline Strahow, à Prague. M. Clément de Ris parle d'un couvent des Ursulines ; p'est une erreur. Le R. P . chargé de la garde de la collection de l'abbaye, m'a raconté, il y a neuf mois, que le tableau a été acheté pour rien, car sa valeur était complètement inconnue. Le Musée de Vienne possédait une ancienne copie du tableau qui fut enlevée par les soldats de Napoléon I e r . Il paraît que la commission du Louvre savait très bien qu'elle n'avait entre les mains qu'une copie du fameux Durer, de Prague, car sans cela elle n'aurait pas envoyé le tableau à Lyon. Malheureusemeut, les commissaires autrichiens, en 1815, en agirent avec le tableau comme avec les Noces de Cana do Paul Véronèse i . La peinture originale est bien abîmée, surtout par suite de la dernière restau- ration exécutée en 1840; mais comme j'ai pu décrocher le tableau et l'examiner de très près, j'ai découvert plusieurs petites oasis de peinture intacte qui m'ont fourni la preuve que je me trouvais en face d'une œuvre originale de Durer 2 . Du reste, la copie de Lyon n'est pas du tout identique avec le tableau de Prague. A Lyon, le pape Jules II est remplacé par sainte Catherine d'Alexan- drie et saint Dominique a disparu, car le copiste protestant, qui ne voulait pas reproduire l'effigie d'un pape, ne savait pas que saint Dominique avait inventé le culte des couronnes de roses. Le tableau nous fait voir l'empereur et le pape, les deux grandes puissances d'après l'idée germanique, et derrière le pape, saint Dominique couronnant un prêtre de son ordre. La version pour ainsi dire protes- tante du tableau de Lyon de Durer, se retrouve dans une copie de l'ancienne collection du château d'Ambras, aujourd'hui à Vienne, et dans une autre copie de la collection du docteur Jean Urban, à P r a g u e . Veuillez, je vous prie, communiquer la présente à M. Clément de Ris que j e n'ai pas l'honneur de connaître. Ces remarques seront peut-être utiles au futur * C'est-à -dire oublièrent ou négligèrent de le réclamer. Une tradition locale explique la non-réclamation du Durer en 1818 pir ce l'ait que ce tableau aurait été oublié lors de l'établissement de la décharge remise par les au- torités militaires françaises au conservateur du Musée de Vienne, en 1811. N'étant pas inscrit comme livré, il n'aurait pas été réclamé. 2 Le catalogue en préparation de M. le chevalier Engerth, directeur du musée impérial de Vienne, nous apprend que ce tableau avait beaucoup souffert lors du sac de Prague (1648) pendant la guerre de Trente Ans. Il avait été tellement abîmé, que les Suédois de Kônigsmarck le laissèrent dans le château impérial pillé, comme un objet sans valeur. Il est catalogué sous le n° 300 dans un inventaire de 1718, et le rédacteur de ce document donne ce tableau pour «un original, mais tout à l'ait ruiné ». Il fut restauré en 1663 pour 30 florins, somme assez notable pour l'époque par le peintre Charles Sécréta, à Prague. On a cru à tort que ce tableau fut vendu avec d'autres toiles sans valeur en 1782, et ou ignore absolument comment il est sorti du château impérial de Prague. Le couvent de Strahow l'acheta d'un marchand entre 1804 et 1810, et en confia la restauration au peintre Gruss, à Prague, en 1840, qui a cru devoir le repeindre en grande partie, et l'a fort abîmé. — Communiqué par M. Berggruen.