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LA JARRETIÈRE BLEUE i Quand je faisais mon droit, il n'y a pas encore si longtemps de cela, je me liai avec un étudiant qui s'asseyait volontiers à côté de moi au cours. Il se nommait Oscar Bachereau. C'était un bon garçon, doux, taciturne, très timide. La vie sévère et studieuse que m'imposaient non mes goûts, je vous prie de le croire, mais ma pauvreté et l'obligation de me créer au plus vite des ressources, m'avait valu sa sympathie. Il me témoignait de l'amitié et, sans aucune question indiscrète de ma part, me mit peu k peu au cou- rant de ses petites affaires. J'appris ainsi qu'il était orphelin, qu'il n'avait d'autre parent au monde qu'un cousin éloigné qui se souciait de lui comme un poisson d'une pomme et qu'il possédait quinze mille livres de rente sur le grand-livre. Ce nabab du quar- tier latin habitait rue Férou, dans un hôtel du siècle dernier, un logement composé de trois pièces meublées avec assez de recherche. C'est là qu'il passait tout le temps que ne lui prenait pas l'école. Mollement étendu sur des coussins, il fumait sa pipe et lisait sans se lasser. Les livres, ces amis discrets et fidèles, étaient sa seule passion ; l'appartement en était rempli. Avant que nous eussions fait connaissance, Oscar ne recevait âme qui vive, je gagerais que des semaine entières s'écoulaient sans qu'il adressât la parole Ã