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166                  LA R E V U E LYONNAISE
donne le ton à la classe élevée, à celle qui, par la force des choses
fournit les gouvernants. Au point de vue politique, moral, et même
économique, l'artiste, le savant, l'écrivain,sont des hommes de
première nécessité : leur présence fait Athènes, leur absence
Sparte.
    L'écrivain forme le cœur et cultive l'intelligence du paysan,
de l'ouvrier, du commerçant, de l'industriel. L'artiste purifie le
goût du public et donne à son imagination des jouissances élevées,
au lieu de plaisirs avilissants. Le savant, par ses patientes re-
cherches, améliore les procédés, invente les machines, libère
l'homme à mesure qu'il lui asservit les forces de la nature, lui
fournit le chemin de fer, le télégraphe et toutes ces merveilles qui
étonnent et ravissent l'esprit humain.
    Or, ces hommes, dont les études sont tellement fécondes qu'elles
sont la cause delà civilisation, trouvent rarement dans leur travail
une rémunération suffisante. S'ils sont riches, ce qui arrive
parfois, ce qui devrait arriver souvent, la richesse n'étant pas le
droit de se reposer, mais une avance pour aller plus loin, ils ne
cherchent pas un bénéfice pécuniaire. S'ils sont pauvres, ce qui
 est l'hypothèse la plus fréquente, ils ont, comme tout homme, des
besoins nombreux à satisfaire, ce qui veut dire de l'argent à dé-
 penser.
    Bien plus, ce sont les natures d'élite qui ont le plus d'exigences
 matérielles : un Bossuet, un Racine, un Voltaire ont une vie plus
 chère que l'industriel ou le commerçant. Les organismes les plus
 parfaits sont aussi les plus compliqués, les plus fragiles, les plus
 coûteux. Un physiologiste dirait que, dans l'échelle des êtres,
 l'homme est celui dont les frais de production sont le plus élevés
 pour la nature. Eh bien! cette progression dans la dépense se
 produit à mesure que l'intelligence se développe, s'agrandit, se
 perfectionne.
    Ne gagnant presque rien, ayant à dépenser beaucoup plus, soit
pour eux-mêmes, soit pour leurs travaux, voilà la situation de
 l'écrivain, du savant, de l'artiste. Ce sont là deux faits dont il
•faut tenir grand compte lorsqu'on envisage les subventions au
 point de vue économique.
    Les travaux intellectuels ne font pas vivre leur auteur : voilÃ