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                             MAINE DE BIRAN                       145
dédain le syllogisme, vous en faites une vaine algèbre de la pensée,
vous récusez sa puissance logique, mais qu'est-il donc s'il n'est
pas un raisonnement ? Et s'il est un raisonnement, les lois consti-
tutives de tout raisonnement ne lui sont-elles pas applicables ?
N'êtes-vous pas tenu dès lors, dans une théorie du raisonnement,
de retracer ces lois de manière à ce qu'elles puissent convenir à la
fois au syllogisme et à cet instrument plus parfait que vous pré-
tendez avoir pour faire évoluer l'espritd'une vérité vers une autre?
Maine de Biran ne dit pas très clairement ce que serait ce procédé,
distinct du syllogisme et digne seul du nom de raisonnement, au
nom duquel l'esprit pourrait non pas par déduction du général- au
particulier, mais par déduction d'identité, passer d'une vérité à
une autre vérité, comme un aigle de montagne qui d'un pic se pose
sur un autre. La philosophie contemporaine du P. Gratryaaumoins
tâché de réparer ce silence, en nous donnant, à côté du syllogisme
décrié et avili, une explication nouvelle et mystique du procédé
d'induction. Aller du général au particulier ou du particulier au
général, cela se comprend bien et c'est la marche ordinaire du
raisonnement. Mais, aller de l'identité à l'identité, cela n'est pas
d'une intelligence aussi facile, et il semble qu'un raisonnement ne
soit à entreprendre que pour arriver à quelque chose d'autre que
le point de départ. Aussi, suivez Maine de Biran dans le cours de
l'argumentation privilégiée à laquelle seule il veut accorder le nom
de raisonnement, vous n'aurez pas de peine à voir que ce sont de
fausses identités qu'il lie entre elles. Peut-il dire, par exemple,
que dans le moi il n'y ait pas autre chose que la substance, dans la
substance pas autre chose que la liberté, dans la liberté autre chose
que le temps, etc. ? Peut-il dire que le résistant est la même chose
que la continuité du résistant ou l'étendue, et que la circonstance
de continuité n'apporte pas ici un élément de plus? Pourquoi iden-
tifier tout cela ? L'élément différentiel est par trop manifeste. Mais
notre philosophe l'annule en le rejetant dans un ordre purement
secondaire de relations ou de combinaison. Ordre de relations,
qu'en savez-vous? secondaire, qu'en savez-vous? Autant d'affir-
mations gratuites, et il suffit que la différence se montre pour que
vous cessiez d'être en droit de conclure l'identité. On découvre donc
le manque de fondement de cette logique nouvelle qui se met en
       AOUT 1882. — T. IV.                                  10