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90            '           LA R E V U E      LYONNAISE

   La paix, ne dura pas douze ans. En 1322, nouvelle proscription
de Charles le Bel. Six années plus tard, Philippe de Valois leur rouvre
les portes de la France, pour les refermer en 1346. Ils rentrent en
1350 sous le roi Jean qui les bannit encore en 1357, puis leur accorde
la permission de s'établir dans le royaume pour vingt années, avec
des privilèges plus étendus que ceux dont ils avaient joui jamais. On
avait alors besoin d'eux pour payer la rançon du roi stipulée par
le traité de Bretigny. Ces privilèges leur sont confirmés en 1364
par Charles V, et rappelés dans une déclaration de 1374, qui pro-
roge de dix ans le délai de leur séjour sur la terre de France.
Chacune de ces concessions est, bien entendu, payée par eux au
prix de sacrifices considérables, notamment par le paiement d'un
droit individuel d'entrée et de séjour, de 21 florins, outre 2 florins
et 7 gros tournois pour chaque enfant ou domestique ; néanmoins,
telles étaient la vitalité et la puissance acquisitive de la race israé-
lite que ses richesses ne tardèrent pas à exciter de nouveau l'envie
et à soulever de vives récriminations. Le Songe du Vergier,
composé sous Charles Y, en fournit, sous la forme de dialogue,
l'ardente et parfois très profonde expression \
  Ce que l'auteur du Songe du Vergier réprouvait en politique
hardi, en économiste supérieur à son siècle, ce n'était pas la tolé-
rance dont les juifs étaient l'objet au point de vue de leur exis-
tence dans la nation, c'était le privilège accordé par intermittence
à leurs exactions déguisées sous la forme de prêts, exactions si


   l « Dieu veult, dit dans ce dialogue le clerc qui résume les griefs populaires
contre les juifs, Dieu veult que le roy et les aultres seigneurs et princes terriers
considèrent et entendent diligemment les maulx et les terribletez qui adviennent fous
les jours en creptienté pour la conservation des dits juifs... Ils mettent les crestiens
à (elle povreté que dés ce qu'ung crestien est une fois en leurs mains, à paine en
peult eschapper, et si ne se peut jamais résouldre. Et de fait, je cognois tel, lequel
a emprunté d'un juif xmi francs, desquelz, tant pour le sort (le capital) que pour les
usures, il en a payé xim cens francz et encore n'en est-il pas quitte. Et qui vouldroit
diligemment enquérir, on trouveroit au royaulme de France cinquante mil personnes
déshéritez et mis à povretez par ces faulx juifs... ilz relrayent subtillement l'or et
l'argent des crestiens et le transportent en aultres contrées, et ainsi le peuple se
apovrist, et par conséquent c'est le très grand dommaige du prince. » — « Et jaçoit
que le roy preigue des juifs grans aides ou Images, et ainsi il gaigne d'ung costé,
certes il pertplus dix fois d'aultre costé, car ses subjetz ainsi aprovris ne luy pevent.
aider ne payer ses rentes ordinaires et extraord'naires, car cù il n'y a que prendre, le
roy pert ses droiz »