page suivante »
DU BUC.EY. 381
affreuse perturbation, se réfugièrent sous les châteaux escar-
pés, se rapprochant autant que possible de leurs murs pro-
tecteurs, en sorte qu'elles s'établirent parfois sur des pentes
rapides, comme les vieux villages de Saint-Germaiu-d'Ambé-
rieu et de Saint-Sorlin le démontrent encore actuellement.
Dans notre province, où nous avons vu le pouvoir souverain
saisi par tant de mains, ce fut assurément une afireuse conti-
nuité de guerres, de dévastations et de misères. Sa popula-
tion, plus qu'ailleurs, y fut en proie à tous les fléaux de cette
période lamentable.
Si l'on examine quel était l'état des personnes et de la pro-
priété foncière, on découvre avec surprise dans ce chaos anar-
chique les institutions romaines existant encore en dépit des
siècles et des révolutions, défigurées, il est vrai, par les ins-
titutions féodales. Ainsi, la loi qui réglait les intérêts des par-
ticuliers était toujours la loi romaine, conservée par un usage
constant. Et comme les textes avaient disparu, que l'on écri-
vait peu et qu'on ne lisait pas, le juge seigneurial, Ã la place
du préleur, prononçait dans les contestations entre particu-
liers conformément à celle loi, tout en ignorant sans cloute
son illustre origine. Il jugeait presque toujours en dernier res-
sort. Cependant, lorsque le seigneur suzerain avait un conseil,
comme les sires de Thoire et les comtes de Savoie, certaines
affaires y étaient portées par appel et jugées souverainement.
La justice était attachée à la possession de la terre, dans ce
sens qu'au possesseur du fief appartenait la juridiction du fief;
elle n'émanait plus du souverain . elle émanait de la pro-
priété terrienne inféodée, anomalie qui fut ensuite modifiée
par la création des juges d'appel.
L'esclave, que les Romains avait amené dans la Gaule et
qu'ils y avaient laissé, était reslé toujours attaché au sol pour
le cultiver. Il était immeuble par destination, comme ins-
trument aratoire. Il n'avait changé ni de nom, ni d'état, ni