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322 L'HIVER.
A pas rêveurs, le vieillard nous apporte
Son lourd faisceau dont il aime le poids;
Du chaume antique il a franchi la porte,
Sur les chenets il a rangé le bois.
Chaque rameau du fagot qu'il ménage
Flambe à son tour et fait durer le feu ;
Débris ardents des trésors d'un autre âge,
Vous pouvez seuls le rajeunir un peu.
Assis dans l'âtre, en sa robe de laine,
Il tend ses doigts vers les rouges tisons ;
Sur le chenet tiédit sa tasse pleine
D'un vin gardé des fécondes saisons.
Du doux brasier son cœur ressent le charme ;
La sève encormonte à ses yeux taris ;
De ses cils blancs éclairés d'un souris,
Jusqu'Ã sa main roule une grosse larme.
Brûlez, rameaux des buissons printanniers,
Débris de fleurs amassés en relique,
A votre l'eu pâle et mélancolique
De ses soupirs réchauffez les derniers !
Chers souvenirs de la forêt secrète,
Bois sec et noir, jadis bouquet vermeil,
Au vieil hiver donnez dans sa retraite
Quelques tisons à défaut de soleil!
Victor DE LAPRADE.