Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
page suivante »
272              SOUVENIRS ET MANUSCRITS

lion; mais rien ne nous attirait autant que ces lignes tombées
de la plume de celui qui chanta le religieux triomphe des Croi-
sés, et agenouilla Godefroi de Bouillon sur le saint tombeau
de Jésus-Christ :

          Il gran sepolcro adora, e scioglie il'voto.
   Quel est celui qui n'a pas éprouvé quelquefois en sa vie le
mélancolique plaisir attaché à la contemplation des lignes
écrites par une illustre main, glacée maintenant dans la froide
mort? Là, sur ces pages, errèrent les yeux d'un glorieux
trépassé: là tomba son souffle: là se promenèrent ses doigls,
et vous qui interrogez d'un œil curieux ces mêmes pages,
qui suivez les mouvements de ces caractères, pouvez-vous
alors vous empêcher de songer en vous-même qu'un jour aussi
vous serez glacé dans la tombe comme celui dont vous con-
templez ces frêles souvenirs !
   Ferrare a le privilège d'adirer à son hôpital Sainte-Anne,
les étrangers qui veulent voir la prison du Tasse; mais cette
prétendue prison n'est qu'une étroite chambre voûtée, au
rez-de-chaussée et dans un coin de l'intérieur de l'hôpital.
Quoiqu'il soit très avéré que ce n'est point là que fut enfermé
Tasse, lespêlerinagesn'en continuent pasmoins, eltout ce qu'il
y a de touristes quelque peu anglais à l'endroit de la curio-
sité, ne quitterait pas Ferrare sans avoir donné un ou deux
paoli pour se faire ouvrir cetle laide cave. J'avoue à ma honte
que je conlribuai aussi pour ma part à la perpétuation de la
supercherie du cicérone. Les guides ont bien leur mérite, si
parfois ils portent l'ennui avec eux, parfois aussi ils ont un
aplomb et une routine traditionnelle qui vous répète avec la
fidèle mémoire des héraults d'armes de l'Iliade la harangue
faite par quelque savant de l'endroit. Ils tâchent ensuite de
broder sur ce canevas leurs histoires à eux, et ne vous font
grâce de rien. Mon cicérone de Ferrare me racontait, ce